Survie

Mauritanie : Coup d’État non désiré

(mis en ligne le 1er juillet 2003)

Qu’est-ce qui animait les militaires qui ont failli renverser la dictature mauritanienne de Maaouyia Ould Taya, le 8 juin - à part une hostilité farouche à ce régime ? Il est difficile de vérifier les accusations sur les attaches islamistes ou baasistes des putschistes (le Baas était le parti de Saddam Hussein) : ces étiquettes sont trop commodes pour être acceptées sans précautions. La Lettre du Continent (12/06), de son côté, tend à réduire le putsch au sursaut d’un groupe de tribus exclues « de tous les circuits économico-financiers tenus par les hommes d’affaires proches d’Ould Taya. » D’autres sources fournissent des analyses moins réductrices.

Ce qui est sûr, c’est que ce coup d’État n’était ni attendu, ni souhaité, à l’inverse de celui du général Bozizé en Centrafrique. Mobutu a longtemps bénéficié de la protection d’une troïka : Bruxelles, Washington, Paris. C’est clair désormais, Ould Taya a aussi la sienne, où Israël remplace la Belgique. Chacun des trois pays a voulu contribuer au retournement de la situation, après que les putschistes aient pris le Palais présidentiel, l’État-major, l’aéroport et la Télévision.

Ould Taya se serait réfugié à l’ambassade de France, d’où il aurait mené la riposte. Les Israéliens auraient aidé à détruire les chars des insurgés. Et les Américains auraient communiqué leur expertise et leurs renseignements. Bref, ce régime est d’intérêt stratégique. Et bientôt pétrolier - avec, peut-être, de gigantesques réserves de gaz.

Dès le 17 juin, Dominique de Villepin filait à Nouakchott « saluer le Président de la République, et témoigner le soutien et la solidarité de la France à un pays avec lequel elle entretient des relations anciennes et de qualité. » Rappelons que ce Président a commis entre 1990 et 1991 une série de crimes contre l’humanité à l’égard de ses militaires noirs. La « qualité France » ?

La FIDH et l’association sénégalaise RADDHO, qui demandaient le respect des droits de l’Homme dans la gestion des suites du putsch, se sont fait rabrouer par Nouakchott. Le pire est à redouter.

Pas pour François Soudan : on savait ce pilier de Jeune Afrique très lié au régime mauritanien. Mais il se lâche dans son article du 15 juin, : « ce pays est, aux yeux des bailleurs de fonds, une success story prometteuse » (alors que la Mauritanie est elle aussi pillée) ; « le pouvoir, et tout particulièrement son chef, a démontré sa cohésion, son courage face à l’épreuve » ; le « maintien du processus démocratique » est assuré ; « Maaouyia Ould Taya bénéficie d’un nouvel état de grâce qui ne pourra que faciliter sa réélection. Son image et son aura personnelles sortent renforcées de la crise », etc.

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 116 - Juillet Août 2003
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