Survie

Sauterelles

(mis en ligne le 1er juin 2004) - François-Xavier Verschave

On ne redira jamais assez combien
l’aide publique versée à une dictature ne
sert qu’à l’engraisser. Même si le
caractère vital des finalités affichées de
cette aide devrait, dans l’esprit des
contribuables donateurs, la préserver du
pillage. En voici deux exemples, qui ont
évidemment beaucoup d’équivalents en
Françafrique.

Comme bien d’autres pays africains, le
Burkina doit faire face à la pandémie du
sida. Il compte plus de 500 000
séropositifs. Même trop frileux et
inadaptés, les moyens financiers de la
lutte anti-sida commencent à grossir.

Dans cette lutte, le régime se pose en
combattant modèle. Et il installe
naturellement à la pointe du combat des
officiers de santé très proches du clan
Compaoré. Le Conseil national de lutte
contre le sida (CNLS) est présidé par le
Président en personne ; son secrétaire
général est un médecin militaire, ancien
ministre des Sports, dont la gestion à ce
poste a été récemment mise en cause.
Le CNLS arrose de véhicules flambant
neufs et de postes TV des associations
montées de toutes pièces.

Ce qui reste pour la prise en charge
des malades par les associations et
services de santé efficaces (il y en a) est
dérisoire... Mais cela n’empêche pas le
gouvernement d’annoncer, contre toute
évidence, une baisse du taux de
prévalence du VIH : il faut montrer aux
bailleurs de fonds la performance du
modèle burkinabè.

Pendant ce temps, les multinationales
françafricaines regroupées au sein de
l’association Sida-Entreprises soignent
leur personnel local en même temps que
leur image. Total, Bolloré, Pinault
(CFAO), etc. espèrent ainsi masquer leur
longue complicité avec des dictatures
dévoreuses de l’argent et de la santé
publics.

L’on sait que les nuées d’acridiens
(criquets, sauterelles) peuvent dévaster
des récoltes et provoquer des famines.

La prévention anti-acridienne, grâce à
des épandages par avion, s’avère donc
cruciale. L’ancien dictateur malgache
Didier Ratsiraka n’a pas délaissé ce
créneau de pillage (il n’en a négligé
aucun).

Il a rattaché directement à la
présidence le Centre national de lutte
anti-acridienne (CNLA) ; il a installé à la
tête du dispositif un de ses conseillers, le
général Victor Rahamatra, et son propre
fils Xavier. Non seulement une partie de
l’argent de l’aide internationale a été
« privatisé », mais le fiston s’est accaparé
le marché juteux de l’épandage en
créant sa propre société d’aviation, la
SONAVAM. Celle-ci aurait absorbé les
avions de l’adjudicataire précédent, la
compagnie aérienne TAM, acculée à la
faillite par des impayés, ainsi que les
aéronefs et les voitures du CNLA.

Comme disent les sauterelles affamées :
« Tout ce qui rentre fait ventre ».

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 126 - Juin 2004
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