Survie

Coq françafricain

(mis en ligne le 1er septembre 2004) - Christian Loubier

La situation macro-économique du Congo-B est loin de s’améliorer. La gangrène de la corruption s’est répandue dans des proportions dramatiques tant (et surtout) au sommet de l’État qu’à la base de la société. Cela empoisonne les rapports du pays avec ses bailleurs de fonds internationaux,
principalement le FMI qui refuse de mettre en place le plan PPTE qui devrait
déboucher sur une importante annulation de la dette congolaise.

Ainsi, le président Denis Sassou Nguesso (alias « Sassou III ») voit sa marge de manœuvre politique se rétrécir comme peau de chagrin. Depuis bientôt deux mois, il s’emploie à redorer l’image ternie de son régime. À ce titre, pour
donner au moins l’impression de s’attaquer à la corruption, il « a soumis
au contrôle d’État 93 opérateurs économiques qui auraient mal géré les
fonds publics – la plupart de ceux-ci se trouvent être de son entourage
immédiat
 » (La Lettre du Continent, 15/07).

Dans la foulée, un rapport de synthèse sur cet état de fait épingle tous les
ministères. Tout le sommet de l’État s’est ainsi pris lui-même les mains dans le pot de confiture. Mais en réalité, le clan mbochi au pouvoir se sert de cette
initiative pour régler des comptes politiques. « On ne sciera pas la branche
sur laquelle on est assis
 », prévient-on à Oyo, le village de Sassou. La manœuvre était annoncée à l’avance : « Non seulement des têtes vont tomber, mais le peuple les a déjà désignées » (LdC, 17/06).

En d’autres termes, les adversaires potentiels du régime seront mis hors d’état de nuire. Pour sa régulation et sa pérennisation.

Le 8 juillet dernier, Sassou III a actionné la manivelle de sa manœuvre en adressant des instructions écrites au procureur général près la Cour suprême
via le ministre chargé du contrôle d’État. Cette lettre dresse une liste de
personnalités politiques susceptibles de faire l’objet de poursuites judiciaires et qui « ne pourront sortir désormais du territoire national qu’avec l’autorisation
expresse
 » du Président ou dudit ministre. Parmi ces mis à l’index figurent
plusieurs anciens ministres de « Sassou II » (le précédent avatar de la
dictature sassouiste) : Mathias Dzon, Jean-Marie Tassoua, alias général Giap,
et Léon-Alfred Opimbala, tous trois vainqueurs au côté des Cobras de
Sassou de la guerre civile de 1997.

Sont également ciblés l’actuel ministre du Travail, des « opérateurs économiques » (Aloïse Nganongo, proche de Mathias Dzon, Gabriel Issema, le Français Henry Michel… ) et deux cadres du ministère de la Santé, proches de leur ministre Alain Mocka – originaire de la Likouala, région jugée frondeuse par le clan mbochi au pouvoir.

La purge politique entamée depuis 2002 se poursuit. Elle devrait se traduire
dans la composition du nouveau gouvernement, attendue aux alentours du 25 août. À Oyo, une maxime fait le tour des villas : « Dans le poulailler, un coq demeurera seul maître à bord. » En l’occurrence, Denis Sassou Nguesso. La
lutte réelle contre la corruption (érigée en système de gouvernement) est ainsi
renvoyée aux calendes grecques tant que sa tête inspiratrice (« le geyser de
pétrodollars ») ne tombera pas. Les prédateurs lâchent difficilement leur
proie.

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 128 - Septembre 2004
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