Le Canard enchaîné, Pensions sucrées, 18/08
« Un Malien de quatre-vingt-quatre ans, ancien adjudant [dans l’armée française], reçoit royalement 39 euros par trimestre quand un Français
ayant les mêmes états de service touche 690 euros. […] “La
question des retraites est réglée”, a tranché Michèle Alliot-Marie.
Pourtant, elles sont toujours entre dix ou vingt fois inférieures
pour les anciens combattants africains. “Les pensions
correspondent au même pouvoir d’achat”, prétend MAM. »
L’argument de Michèle Alliot-Marie est non seulement de mauvaise foi
mais totalement mensonger. Un livre ou un médicament coûte en Afrique
une fois et demi le prix français – mais quel besoin de lire ou de se
soigner peut avoir un ancien combattant ? Les produits industriels, les
automobiles, les machines agricoles, l’électroménager, les engrais, etc.
coûtent deux à trois fois le prix français – mais, après avoir guerroyé en
Europe, un adjudant doit être rompu à la marche à pied. De plus, si le
pouvoir d’achat en Afrique est ce que dit MAM, pourquoi les
fonctionnaires français, militaires et civils, officiant en Afrique, sont-ils
payés deux à quatre fois plus qu’en France ? Leur donner la même
rémunération serait déjà leur faire un énorme cadeau ! (cf. Billets n° 127,
D-Day et blanchiment, note 3)
L’iniquité vécue pendant quarante années par les anciens combattants
africains de l’armée française n’est qu’un des moindres bénéfices tirés
par la France des « indépendances », mais c’est le plus déshonorant et il
mérite d’être stigmatisé comme tel. Là où on devrait avoir des
compensations aux familles et aux derniers survivants, plus des excuses
pour cette longue escroquerie, on n’a que l’escamotage et la
désinvolture.
Remarquez, tous les milliards volés aux anciens
combattants – qui sait quel usage ils auraient bien pu faire de ce qu’ils
avaient si chèrement gagné, comme Ben Bella ? – ont été déversés à
foison sur quelques-uns des leurs, le sergent Eyadema, le capitaine
Bokassa, et d’autres bons disciples, pour jouer la comédie de
l’« indépendance » et garantir le statu quo colonial. Et il n’était guère
question à leur sujet de la moralité d’un « niveau de vie » quelconque
quand ils amassaient leur gigantesque part du butin. Puisqu’ils laissaient
les amis de MAM en prendre une plus grande part encore...