Survie

Grands écarts

(mis en ligne le 1er octobre 2004) - François-Xavier Verschave

Nous nous sommes réjouis que la France, in extremis et à contrecœur, signe les traité de Rome instituant la Cour pénale internationale puis, au fil des années, se retrouve l’une des promotrices de la CPI – combattue par George W. Bush. Pourtant, la même France (ses chefs militaires et la quasi-totalité de sa classe politique) reste solidaire dans la négation des incroyables soutiens apportés en 1994 au génocide d’un million de Tutsi rwandais. Nous n’allons pas, parce que nous combattons obstinément cette négation, entrer dans le chœur des détracteurs de la CPI, qui peut et doit se placer à l’avant- garde du refus d’un « monde sans lois ».

Nous ne cessons par ailleurs de dénoncer le rôle central de Jacques Chirac dans l’histoire et dans la perpétuation de la Françafrique, ce système néocolonial de pillage et d’oppression qui “patronne” directement une bonne douzaine de dictatures africaines (et bénit les autres) : la camerounaise par exemple, dont le gouverneur Biya va être chaudement félicité dès sa réélection frauduleuse.

Nos lecteurs savent comment la Françafrique se régale de l’aide publique au développement (APD) bilatérale, comment elle gonfle une dette qui est surtout un cumul d’escroqueries, comment les remises de dette aux tyrannies amies relancent la politique du ventre tout en permettant d’afficher une hausse fictive du taux français d’APD.

Cela ne nous empêchera pas d’approuver la constitution, à l’initiative de Jacques Chirac et d’un trio de dirigeants de gauche (le Brésilien Lula, le Chilien Lagos et l’Espagnol Zapatero), d’une coalition de plus de cent pays demandant une ou des taxes mondiales contre l’extrême pauvreté. Certes, il faudra se battre ensuite pour que l’argent recueilli aille vraiment financer l’accès universel aux biens publics les plus essentiels. Mais c’est un premier pas vers un argent public mondial, urgent et indispensable si l’on veut d’autres horizons qu’une mondialisation mafieuse creusant des abîmes d’iniquité et de criminalité.

Flairant l’air du temps, Chirac s’est mis en tête du cortège. Mais si le cortège a été immédiatement aussi imposant, c’est que l’immobilisme devenait intenable et que le mouvement altermondialiste avait déminé les objections idéologiques.

Nous soutiendrons donc cette dynamique politique, tout en continuant de montrer qu’elle est en contradiction avec les siphonnages massifs de la Françafrique chiraquienne. Le choix des futures taxes, parmi l’éventail proposé, sera révélateur : certaines s’accommodent bien du cours ruineux des choses, en particulier de l’essor des paradis fiscaux, d’autres le contrarieraient. Il faudra peser en faveur des secondes.

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 129 - Octobre 2004
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