L’on sait que la " grande politique arabe " de la France est abondamment graissée de rétrocommissions. Cela s’est encore confirmé avec l’apparition de Charles Pasqua et de Patrick Maugein, intermédiaire de Jacques Chirac, dans la liste des bénéficiaires des largesses pétrolières de Saddam Hussein. De quoi largement polluer, dans les négociations pour la libération des deux journalistes français otages en Irak, la référence aux grands principes et au juste refus par la France de la guerre atlantiste contre ce pays.
Ainsi, Paris n’a pas su ni voulu empêcher l’intrusion dans ces négociations d’un commando françafricain caricatural. Car cette
Françafrique-là a toujours ses entrées à l’Élysée. Qu’on en juge :
– Philippe Evano, l’un des initiateurs de l’expédition Julia, professeur d’histoire à la Sorbonne, est aussi " l’un des derniers
animateurs du MIL (Mouvement initiative et liberté) et de l’UNI (Union nationale inter-universitaire) ", deux créatures très droitières de
Jacques Foccart (dont Jacques Chirac fit sur le tard son père spirituel). " À la dernière garden-party du 14 juillet, il est d’ailleurs - sur
la photo - bras dessus bras dessous avec le ministre [de la Coopération] Xavier Darcos et toute l’équipe de l’IPA (Institut de
prospective africaine) qu’il préside. " Il est fréquemment reçu par le Monsieur Afrique de l’Élysée, Michel de Bonnecorse (Le Canard
enchaîné, 06/10/2004). Il va créer pour Omar Bongo une " Fondation pour l’environnement ". (LdC, 14/10/2004)
– Moustafa Bziouit, alias Aziz, est l’un des principaux conseillers de l’entourage de Laurent Gbagbo, avec le pasteur Moïse Koré et
Honoré Gbanda, l’ancien sécurocrate des dernières décennies de Mobutu, capté par la Françafrique depuis 1978 (sous la houlette du
général Lacaze puis du capitaine Barril). Aziz a mis à la disposition de l’équipe Julia des valises à billets et l’un des avions de Laurent
Gbagbo - qui espérait se " racheter " auprès de Paris ? " Il me fallait un avion rapide [...], il me l’a donné tout de suite ", admet Didier
Julia (AFP, 04/10/2004).
- Selon Gbagbo, " un "ami" de cette "équipe parallèle" téléphonait directement de son bureau à Jacques Chirac et lui envoyait des
fax " (LdC, 14/10/2004). Ce n’est pas une parole d’Évangile, mais c’est très possible : selon Le Monde (05/10/2004), l’ex-sénateur Jean-
Pierre Camoin, pivot de l’affairisme françafricain en Côte d’Ivoire, que Jacques Chirac embrasse avec effusion, a fait l’intermédiaire
entre l’entourage de Gbagbo, l’Élyséen Michel de Bonnecorse et la Madame Afrique du Quai d’Orsay, Nathalie Delapalme. À
l’Unesco, Aziz a pour chef de cabinet un ancien du Quai, Bruno Carnez.
– Philippe Brett, le comparse de Julia, intermédiaire affairiste et souverainiste entre Paris et Saddam Hussein, " est réputé proche
des milieux du renseignement ". Il a été le garde du corps de Bruno Gollnisch, n° 2 du Front national - lui même ex-officier de la
DPSD (Direction de la protection et de la sécurité de la Défense), qui supervisait le mercenariat français baigné dans l’extrême-droite.
Evano et Brett " ont déjà travaillé ensemble sur l’Afrique " (Libération, 30/09 et 06/10/2004). DMT, une société de Brett, a vendu des
armes et des menottes à la police de Bongo. Brett logeait son association pro-irakienne 24 rue de Penthièvre, l’adresse du
mouvement " Demain la France " de Charles Pasqua, ancien ministre de l’Intérieur et de la Françafrique... (Le Canard enchaîné,
06/10/2004).
– " L’équipe dépêchée à Damas était dirigée depuis Paris par un certain Gérard Daury, un ancien du Service d’action civique
(SAC) " et du MIL (idem) : un fort parfum de barbouzerie, entre Foccart et Pasqua, les Françafricains rivaux de la maison Chirac,
incapable de se démarquer d’un si lourd passé.
François-Xavier Verschave