Survie

A FLEUR DE PRESSE - Côte d’Ivoire

(mis en ligne le 1er janvier 2005)

Libération, Retour sur les morts d’Abidjan. Un officier français parle, 10/12/2004 :

« (7 novembre au matin) Après avoir fait le plein d’essence au 43e BIMA, le détachement met le cap sur le quartier de Cocody, où se trouve l’hôtel (Ivoire). Il commet une invraisemblable erreur d’orientation. En pleine nuit la colonne de blindés s’égare et se retrouve face à la résidence du président Gbagbo : "au lieu de tourner à gauche, notre guide situé à l’avant a fait un tout-droit et nous nous sommes retrouvés devant le palais présidentiel", raconte le colonel. »

Il s’agit du colonel Destremau qui, dûment autorisé sans aucun doute, expose le scénario qui a conduit à la fusillade du 9 novembre devant l’hôtel Ivoire à Abidjan. On est sidéré à cette lecture digne de Mais où est donc passée la 7e compagnie ? Ainsi l’armée française, présente en Côte d’Ivoire depuis un siècle et demi sans interruption, n’a pas encore réussi à avoir un plan d’Abidjan. Mais peut-être bien que ces vicieux d’Ivoiriens avaient interverti les panneaux indicateurs. Et voilà les blindés français devant le palais présidentiel. Zut ! Mais ce n’est pas fini.

Odile Tobner

Libération, idem :

« Après avoir demandé son chemin à un officier des forces ivoiriennes, le détachement parvient, vers 5 heures 30, sur l’esplanade de l’hôtel Ivoire. [...] Les hommes du colonel Destremau s’installent dans les chambres des étages inférieurs et découvrent, disent-ils, [...] de multiples habitants. [En effet] le conseiller pour les affaires de défense du président Gbagbo, Kadet Bertin, mais aussi l’ancien ministre de la Défense, Moïse Lida Kouassi, y ont leurs bureaux. Le "général de la jeunesse", Charles Blé Goudé, la bête noire des Français, en a fait son QG. Le vingt et unième étage est réservé à des "conseillers techniques" étrangers : 46 Israéliens chargés de gérer les écoutes téléphoniques pour le compte de Laurent Gbagbo. Les Français rebroussent chemin. »

Il n’y a en effet pas le moindre Français à évacuer. On n’en revient pas de ce que peuvent « découvrir » nos troupes en excursion. Continuons ce récit épique.

Odile Tobner

Libération, idem :

« 8 novembre, vers 11 heures, le directeur de cabinet du Président et son porte-parole rencontrent à l’hôtel Ivoire le colonel Destremau. Ce dernier leur explique que sa mission se limite aux évacuations, mais ne les convainc pas. "Notre présence devait gêner les occupants permanents de l’Ivoire, donc le pouvoir", estime a posteriori l’officier français. »

Bien qu’ayant rebroussé chemin, les troupes françaises sont en effet toujours les 8 et 9 novembre à l’hôtel Ivoire, sans comprendre, a priori, qu’elles « gênent » forcément le pouvoir ivoirien et sans pouvoir le persuader du bien-fondé de leur présence. Quel manque de psychologie ! Pendant ces quarante-huit heures les manifestants se font de plus en plus nombreux et les troupes françaises “devront” faire usage de leurs armes pour s’évacuer elles-mêmes de cette position où elles se sont mises par inadvertance. On se demande ce qui a pu persuader le colonel Destremau de venir plaider devant la presse un pareil scénario, offensant pour les capacités intellectuelles de notre État-major. Comme si on pouvait masquer l’unique explication, grosse comme l’hôtel Ivoire, de cette malheureuse équipée : Fini de jouer, on va leur montrer qui commande à ces sauvages ! Mais évidemment c’est difficile de "communiquer" dans ce style, sauf entre soi.

Odile Tobner

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 132 - Janvier 2005
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