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Togo + ... : EDITO - La démocratie contre la Françafrique

(mis en ligne le 1er avril 2005)

Malgré de très fortes contraintes (comme le redoublement de cynisme politique, économique et financier des grandes puissances) et d’immenses difficultés intérieures, les peuples sous la botte des dictatures françafricaines ne cessent de faire savoir, d’une façon ou d’une autre, leur aspiration à la démocratie. Ils veulent des dirigeants légitimes, et non ceux que Paris a choisis pour eux.
Au Togo, ce qui n’est pas un mince exploit, la vraie opposition a su se choisir un candidat unique, Emmanuel Bob Akitani, le vainqueur réel de la présidentielle de 2003. Le pouvoir en place présente Faure Gnassingbé, le fils du dictateur, et dispose en principe toutes les possibilités administratives et militaires d’une fraude gigantesque - une perspective sur laquelle ferment les yeux l’Union européenne et l’instance politique ouest-africaine, la CEDEAO, “travaillées” par la diplomatie française.
Mais le peuple togolais sait que, s’il obtient un tout petit minimum de contrôle du processus électoral, le raz-de-marée anti-dictatorial submergera la part de fraude inéluctable. Tout l’enjeu consiste donc, pour les amis du Togo, à aider les démocrates de ce pays à maintenir assez de failles dans le verrouillage du scrutin. Le clan Eyadéma n’aurait alors plus d’autre choix que d’accepter un vote de rejet massif du régime, ou casser ce résultat en se trouvant confronté à un déficit abyssal de légitimité.
En Centrafrique, la victoire du général putschiste François Bozizé était, disait-on, programmée d’avance dès le premier tour du scrutin présidentiel (le 13 mars). À l’heure où nous bouclons, il semble bien que les résultats du vote conduisent vers un second tour indécis. L’électorat centrafricain aura résisté à ses programmateurs.
Au Tchad, les aléas croissants de la santé du dictateur Déby plongent le pays dans une incertitude qui accroît les marges d’arbitraire des forces miliciennes du régime. Le chaos qui se dessine peut conduire au pire. Mais l’Union africaine aura du mal à ignorer le précédent togolais si un coup d’État militaire devait afficher de manière trop voyante l’auto-prolongation de ce régime totalement discrédité. Il y aura peut-être un peu d’espace pour les partisans d’un scrutin présidentiel sous contrôle international.
À Djibouti, les intérêts stratégiques français, américains et européens sont pour le moment trop forts. Le 8 avril, ils laisseront Ismaël Omar Guelleh renouveler par un scrutin présidentiel truqué son bail de geôlier d’un pays livré aux armées étrangères. L’opposition djiboutienne a choisi de boycotter ce scrutin : c’est un choix difficile, mais qui peut préserver son honorabilité, et donc ménager l’avenir.
Si l’on ajoute la forte mobilisation du peuple du grand Congo (Kinshasa) en faveur d’une sortie par le haut des tourments post-mobutiens, c’est-à-dire des élections en 2005 sous haute surveillance internationale, il faut constater que l’aspiration à la légitimité politique n’a pas cessé de remuer l’Afrique.

François-Xavier Verschave

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 135 - Avril 2005
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