Je veux saluer d’abord en François-Xavier Verschave le courage avec lequel il a vécu ces derniers mois, quand il s’est su condamné à brève échéance. Il a affronté son destin lucidement, continuant sa tâche avec d’autant plus de résolution, sans faiblesse. « Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder en face », dit La Rochefoucauld. François-Xavier a fait front avec simplicité.
Cette fin vient confirmer de façon éclatante la leçon de sa vie, qui est une leçon de courage. Le courage est la plus grande des vertus, celle dont nous avons le plus besoin et celle qui nous manque le plus. Á quoi aurait servi en effet l’intelligence, qui chez lui était large et puissante, sans le courage d’en suivre les conclusions. Il fallait certes beaucoup d’intelligence pour pénétrer les rouages des machines d’oppression qui tiennent le monde. Mais il fallait surtout avoir le courage de les combattre.
Il savait parfaitement que ce combat était celui de David contre Goliath. Il n’a pas eu la lâcheté de se dire qu’on ne pouvait rien contre l’iniquité. Il ne s’est pas réfugié dans la fausse humilité de la prudence. Intrépidement il est parti à l’assaut de l’injustice. Et il a eu raison. L’image la plus réconfortante qu’il a laissée est celle du procès qu’il a soutenu contre la volonté d’hommes qui se croyaient tout-puissants, parce qu’ils disposent de la puissance de l’argent. À leur grand étonnement ils ont perdu devant l’homme qui ne disposait que de sa parole et de son courage.
Par un de ces hasards dont l’Histoire a le secret, le grand courage qu’il avait a rencontré la cause la plus désespérée, celle de l’émancipation des peuples africains. Il a compris l’aphorisme de Pascal disant que « Le propre de la puissance est de protéger ». Dans les convulsions de l’Histoire contemporaine, il a senti où était le plus révoltant.
Aujourd’hui en effet il ne faut pas avoir la vue courte. Les pouvoirs démesurés que l’homme s’est donné ont aboli les distances. Nous sommes directement concernés par ce qui se passe loin de nous. C’est cela le combat pour la survie, qui a donné son nom à l’action de François-Xavier Verschave. Il a compris qu’il était vain de chercher à atténuer les effets destructeurs de la pauvreté si on ne s’attaque pas aux causes.
Sans se réfugier dans les grandes logomachies politiques, confessionnelles ou humanitaires, qui masquent souvent l’impuissance, c’est encore grâce à son courage qu’il a entrepris de mettre en lumière l’injustice qui engendre le désastre. Il a su également communiquer avec force sa conviction et entraîner dans son sillage ceux qui ont eu le cœur de l’écouter.
Courage, force, générosité, au sens noble de celui qui se donne lui-même sans réserve, François-Xavier Verschave est de ceux qui redonnent confiance dans la possibilité pour chacun d’agir. Il est de ceux qui ouvrent des perspectives.
Nous sommes fiers de l’avoir rencontré et nous lui disons merci d’avoir été celui qu’il a été.
Odile Tobner