Survie

Congo Brazzaville : Salves - La crise congolaise perdure...

rédigé le 1er mars 2006 (mis en ligne le 1er mars 2006) - Benjamin Moutsila

Depuis maintenant plus de huit ans, huit longues années, un climat d’insécurité permanente s’est installé au Congo Brazzaville, frappant tout particulièrement les populations de la capitale, et au-delà celles de la région du Pool. Une victoire sans précédent a néanmoins été remportée par le peuple congolais lors du simulacre de procès organisé par le pouvoir en juillet dernier, à seule fin d’escamoter la vérité sur l’affaire des disparus du Beach.

Quelle n’a sans doute pas été la double surprise de Denis Sassou Nguesso :

 De voir le courage et la détermination des familles des victimes qui, faisant face aux bourreaux de leurs enfants et parents, se sont présentées non seulement libres mais armées et entourées de leurs gardes du corps, devant une cour de justice aux ordres ;

 De constater que les quinze accusés livrés par le pouvoir, refusant d’assumer seuls une quelconque culpabilité, menaçaient la Cour.

Dès lors, le verdict prononcé, condamnant l’État mais relaxant les prévenus, ne pouvait qu’être absurde. Le régime est à bout de souffle comme en témoigne cette affaire du Beach qui n’est qu’une petite partie visible de l’ensemble des forfaits commis par les seigneurs de guerre qui ont ramené puis maintenu Sassou au pouvoir, et ceux de sa famille et son clan qui intéressent les instances internationales.

La démarche proposée aujourd’hui d’une réconciliation nationale dans l’impunité n’est qu’une fuite en avant débouchant sur davantage encore de destructions et de morts. Bernard Kolélas, rentré récemment au Congo, se retrouve à la fois acteur et victime d’une situation créée par l’accord passé autrefois avec Sassou ayant entraîné la création d’une milice Ninja mise à son service. Bernard Kolélas, condamné par coutumace, vient en effet de bénéficier d’une étrange « amnistie humanitaire ». Mais entre temps, sa milice Ninja a été doublée par une autre milice Ninja Nsiloulou au service d’un individu qualifié il n’y a pas si longtemps d’"aliéné" par le pouvoir, mais en réalité totalement instrumentalisé par celui-ci, Fréderic Bitsangou, plus connu sous le nom de "révérend pasteur Ntoumi". Ces miliciens et leur chef autrefois si utiles pour le pouvoir, et dont un grand nombre s’est mêlé aux habitants des quartiers sud de Brazzaville, sont donc aujourd’hui devenus gênants. Les fusillades et tirs au canon ou depuis des hélicoptères survenus récemment à Brazzaville, n’ont d’autre objet que de les forcer à retourner dans le Pool.

Cette situation de violence prend une fois de plus en otage la population civile qui, pillée, rackettée, violentée, abattue gratuitement, se voit forcée à fuir. On mesure bien les limites de cette étrange politique de réconciliation proclamée par le pouvoir, qui n’est envisagée qu’avec la complicité de ceux qui l’aideront à étouffer toute vérité sur ses crimes passés : crimes de sang et crimes économiques. Or, nous observons depuis 1997, une pléthore de comités chargés du suivi de la paix [1]. En réalité des clubs clientélistes où se casent des comparses, les faux rebelles et des obligés, mus par les mêmes intérêts : faire perdurer les crises (le Pool), pomper les rares fonds détenus par le Trésor congolais, et détourner les fonds des différentes aides post-conflits, tels des vautours à la recherche de charognes. Tous ceux qui entendent se laisser convaincre ou séduire par ce discours, doivent savoir qu’ils se rendent complices des crimes passés, présents et à venir sur les populations congolaises. Ils seront victimes du double langage des professionnels de la propagande qu’ils sont restés.

Et comme pour confirmer la perfidie et le non respect du droit, notamment présomption d’innocence, par les dirigeants de ce système, plusieurs personnalités croupissent encore aujourd’hui dans les geôles du régime sans jugement. En réalité, ces hommes, parmi lesquels il y a des officiers de l’armée et non des miliciens, sont mis tout simplement au frais dans l’éventualité d’un complot inventé comme dans les pires cauchemars des dictatures de "démocratie populaire". C’est pourquoi les cadres congolais, dans leur grande majorité en exil, ne peuvent rentrer car ce climat d’insécurité perdure et montre régulièrement ses méfaits : arrestations arbitraires, pillages, viols, assassinats, etc.

Et aujourd’hui voila que le syndicat des chefs d’État de l’Union Africaine (UA) ont désigné le chef d’État du pays comme président de cet organisme pour l’année civile 2006...

C’est la prime aux violations des droits des citoyens de toutes sortes. Une tentative de sa part de se parer d’une virginité de démocrate, alors que "démocrateur" kleptocrate.

Surtout gommer et masquer ses nombreux crimes de plus en plus criards deviennent l’urgence. Comment l’Afrique peut elle mettre à sa tête un homme qui n’a jamais réglé son problème avec la démocratie car ne sachant se parer que d’habits de dictateur.

Un journal congolais Le Choc, titrait : « Pourquoi la crise du Pool perdure t-elle ? » Parce que les complices sont au gouvernement et dans les comités de paix.

Benjamin Moutsila, Fédération des Congolais de la Diaspora

[1Comité de suivi de la convention pour la paix et la reconstruction du Congo ; Haut commissariat chargé du désarmement des ex-combattants ; Commission spécifique pour le désarmement ; Haut commissariat de réinsertion sociale des ex-combattants ; Commission spécifique Politique ; Comité Ad’hoc de suivi des engagements croisés ; Secrétariat technique dudit comité.

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 145 - Mars 2006
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