Survie

Visite de Sarkozy au Mali : Un provocateur mis en déroute

(mis en ligne le 1er juin 2006)

Le gouvernement malien a reçu au Mali, les 17 et 18 mai 2006, le ministre de l’Intérieur français, Nicolas Sarkozy Nagy de Bosca. Sarkozy le téméraire venait en fait vendre sa marchandise de "l’immigration choisie", camelote puant à plein nez le racisme et les expulsions, le jour même où l’Assemblée Nationale française votait cette loi.

Sarkozy démasqué.

La provocation était à son comble ! Le discours s’est fait paternaliste et faussement amical au début. Sarkozy a passé la pommade aux Maliens qui ont " une bonne réputation " et qui sont " travailleurs " ! Sarkozy a prétendu ensuite que le " pire ennemi " du " Malien régulier " c’est le " Malien sans papiers " qui " crée les conditions de l’amalgame " !!! Il a été démasqué séance tenante : " ce sont les lois de plus en plus racistes de la France qui transforment les réguliers en irréguliers ! ". Les Maliens ne se sont pas privés de relever la foutaise de Sarkozy qui s’est évertué à expliquer que "l’immigration choisie" devait l’être à la fois par la France et l’Afrique. Si tel était le cas, lui a-t-on rétorqué, " ne fallait-il pas discuter ensemble avant que la nouvelle loi ne soit votée ? "

Poussé dans ses retranchements par des journalistes sur " le pillage de l’Afrique et ses ressources ", Sarkozy est carrément sorti de ses gonds et a lâché avec un brin de chauvinisme et de menace : " La France, n’a économiquement pas besoin de l’Afrique ! " Et ajouta-t-il : " Si c’est ce que l’on croit en Afrique, on doit s’attendre à des désillusions ! "

La conférence de provocation programmée en grande pompe à l’Hotel de l’Amitié par Sarkozy sur le thème : " Le Partenariat entre la France et l’Afrique ; quel avenir ? " a fait lamentablement fiasco. Elle s’est ainsi soldée par une déroute complète de Sarkozy qui est reparti en ayant donné aux Maliens l’image d’un homme hautain et arrogant cachant à peine son mépris pour les Africains. Sarkozy Nagy de Bosca peut se féliciter d’avoir terni encore plus l’image de la France en Afrique.

Visas biométriques et laisser-passer.

Et pourtant, cet homme arrivait en quelque sorte en territoire conquis dans le Mali officiel du Président Amadou Toumani Touré dit ATT !

En effet, moyennant la tenue du 26ème Sommet France-Afrique à Bamako en décembre 2005, quelques milliards de francs-CFA jetés par "son ami" Chirac dans un Centre International des Conférences et la réfection de quelques artères de la capitale malienne, ATT a non seulement accepté de faire du Mali le cobaye pour l’implantation des visas biométriques (rejetés, semble-t-il par les pays voisins comme le Sénégal et la Côte d’Ivoire), et multiplié à tour de bras la délivrance par le consulat du Mali en France des “laisser-passer” pour l’expulsion des Maliens.

Le processus est connu. La France stocke les expulsables dans les centres de rétention de Roissy et achète ses “laisser-passer” aux consulats des pays d’origine 150 euros (environ 99 000 frs-CFA) par immigré à expulser. Elle a instauré et encouragé ainsi tout un trafic dans lequel les autorités consulaires de nos pays (le Mali en tête) exigent en outre des expulsés jusqu’à 500 euros pour soi-disant "éviter" l’expulsion. Mais on ne compte plus aujourd’hui le nombre de sans papiers arnaqués qui finissent par se faire expulser.

Le Mali officiel n’est pas le Mali réel.

La visite de Sarkozy a clairement établi que le Mali officiel est aux antipodes du pays réel.

En effet, à la veille du voyage, 21 députés de la région de Kayes, première région du pays, dont sont originaires la plupart des travailleurs maliens en France, ont élevé la voix pour dénoncer dans une déclaration largement relayée par la presse, ce voyage comme une " pure provocation " et appelé le gouvernement à l’annuler. Ces députés proclamaient que, s’ils n’y parvenaient pas, ils soutiendraient toutes les initiatives programmées par l’Association des Maliens Expulsés et le Collectif de soutien aux expulsés. Ils étaient prêts à marcher et même aller à l’aéroport pour empêcher Sarkozy de débarquer ! Mais, du jour au lendemain, les députés se sont dégonflés face aux pressions du gouvernement malien et de l’Ambassadeur de France, Nicolas Normand, qui s’est répandu en communiqué dans la presse pour répondre aux députés. On assure que les enveloppes ont valsé ! Les 21 ont honteusement renoncé à participer à toute manifestation publique et les Maliens se moquent d’eux en demandant : " où sont nos députés ? "

Le mérite pourtant ineffaçable des 21 est d’avoir amplifié une protestation profondément populaire et même contribué à révéler que Sarkozy venait au Mali, non à la demande du gouvernement malien, mais à sa demande personnelle.

Mobilisations citoyennes

Il faut noter qu’au même moment De Villepin avait pris d’assaut la Réunion pour soigner son image de marque électorale avec la lutte contre le Chikungunia. Question : Chirac et De Villepin ont-ils secrètement poussé leur ami Sarko à la faute ? Probable dans la lutte électorale à mort des " frères ennemis " de l’UMP ! Quoi qu’il en soit, le Mali a été tout sauf la promenade électorale de santé que Sarkozy comptait s’offrir, car il a essuyé en outre deux protestations majeures.

Le 18, alors que Sarkozy devait visiter au Consulat Général de France les tristement célèbres “équipements biométriques”, un sit-in de protestation organisé devant les locaux du Consulat par le Conseil National des Jeunes et le FORAM (Forum Pour un Autre Mali) l’ a interpellé.

Mais la principale riposte à Sarkozy est venue de la marche de protestation organisée avant son arrivée dans la journée du 17 à 16 h à la Bourse du travail. A l’origine de cette marche, l’Association des Maliens Expulsés (AME), héritière d’une longue tradition de lutte depuis sa création en 1996 face aux expulsions de Maliens de France et d’Angola. Son Collectif de soutien comprend notamment la CAD-Mali (Coalition des Alternatives pour l’Annulation de la Dette et le Développement), le journal Sanfin/La Nuée et le Parti SADI (Solidarité Africaine pour la Démocratie et l’Indépendance). Passant outre les velléités d’ATT et ses services d’ordre de l’interdire, la marche a drainé pendant près de deux heures dans les rues de Bamako plus de 200 personnes en colère contre Sarkozy. Elle a recueilli en fait le soutien de la seconde centrale syndicale du pays, la CSTM (Confédération Syndicale des Travailleurs du Mali) et de l’AMDH (l’Association Malienne des Droits de l’Homme). Les banderoles et slogans des organisateurs proclamaient : " Sarkozy dehors ! Non à la Loi "Immigration choisie" ! Non au racisme ! L’Etat français viole les droits humains ! L’Etat malien et ATT complices ! Des papiers pour tous ! Liberté de circulation et de séjour pour tous ! " A vrai dire les organisateurs ont été rudement bousculés par une masse de jeunes armés de leurs propres banderoles et pancartes spontanément préparées dans les quartiers. On pouvait lire " Sarkozy déguerpis, immigration choisie " ou encore " Sarkozy, un immigré qui s’insurge contre les immigrés " !

L’AME et son Collectif ont, par leurs initiatives, manifesté la preuve que Sarkozy n’était pas le bienvenu au Mali, ils ont discrédité largement le gouvernement répressif d’ATT, qui a annulé un second sit-in prévu le lendemain. Non seulement l’initiative a encouragé à la mobilisation au Bénin, mais les conditions sont aujourd’hui réunies pour aller vers la large coalition de lutte (appelée par l’AME) pour aller à l’action systématique contre " l’immigration choisie " et les expulsions au Mali !

Momo (Bamako)

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 148 - Juin 2006
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