« [La présence militaire française] devient dangereuse pour la France et néfaste pour la Côte d’Ivoire. [...] Bientôt, nous serons accusés de colonialisme. [...] Notre interposition a, au début, évité la guerre civile. Aujourd’hui, elle consolide en la pérennisant une sécession à laquelle nous voulons aider à mettre fin » (Pierre MESSMER, ancien Premier ministre et ex-gouverneur de la Côte d’Ivoire à l’époque coloniale (1954-1956), lettre au président Jacques Chirac appelant à un retrait militaire des troupes françaises de Côte d’Ivoire, citée par l’AFP, le 03/11).
Le « bientôt, nous serons accusés de colonialisme », révèle un rare talent pour la prémonition de la part de celui qui fut responsable de tant de carnages et de trafics néocoloniaux, en particulier au Cameroun. En 1994 déjà, Messmer avait jugé l’opération Turquoise au Rwanda « mal fondée, inefficace et dangereuse », jugeant sans doute, comme aujourd’hui pour la Côte d’Ivoire, que les coût politiques et économiques des interventions françaises pourraient l’emporter sur les gains escomptés. Une chose est certaine en tout cas : si des "forces impartiales" sont sans doute nécessaires en Côte d’Ivoire pour permettre à la société civile d’imposer une logique de paix, il faut qu’elles soient un peu plus impartiales que ne peut l’être une France qui cherche avant tout à préserver par tous les moyens les situations de monopole ou de quasi-monopole que ses entreprises conservent encore dans plusieurs secteurs de ce pays. À plus forte raison quand ce pays a été si longtemps la vitrine du pré-carré françafricain, et a, à ce titre, une valeur exemplaire.
Victor Sègre