Survie

À lire, à voir

Comores : Voir : Un allé simple pour Maoré.

(mis en ligne le 1er mai 2007) - Pierre Caminade

d’Agnès Fouilleux,
Documentaire, 84 minutes
Auto-production, 2007

Ce documentaire pourra être montré à l’occasion de projections-débats organisées par des associations, la réalisatrice n’ayant pas trouvé de télévision pour le diffuser après maintes péripéties. Il n’a pas non plus bénéficié des subventions du CNC, ni de la région Rhône-Alpes, présidée par Jean-Jacques Queyranne, ex-ministre de l’Outre-mer qui avait fait modifier en 2000 le statut de Mayotte vers un plus fort ancrage à la France (qui reste illégal pour l’ONU).

L’allé simple pour Mayotte est le parcours que font les Comoriens des trois autres îles de cet archipel depuis que le gouvernement Balladur en a fait des clandestins, en 1995, en instaurant un visa. Nous avons exposé à plusieurs reprise cette aberration et ses causes, mais ce film le fait d’une façon bien plus vivante, et in situ. Nos analyses y tiennent une place explicite.

De nombreux Mahorais veulent des clandestins pour leur faire des ménages et travaux à moindre coût. Cet ambulancier emploie des clandestins pour garder ses zébus pendant la journée. Il ne pourrait pas s’offrir des salariés réguliers, car il devrait leur livrer tout son salaire. Les clandestins sont donc la seule possibilité pour lui d’arrondir ses fins de mois avec les zébus. Surtout que s’ils leur commande des animaux volés, il les achètera au quart du prix du marché, et il pourra aller immédiatement les revendre.

Jusqu’en 1995, cette entreprise d’ébénisterie fort réputée à Mayotte exportait depuis Anjouan. Depuis, elle s’est installée de façon clandestine à Mayotte, et vend principalement aux fonctionnaires français, dont les gendarmes qui doivent les arrêter s’ils sortent de la maison où les sculpteurs sur bois sont installés. Dans son press-book, un coffre offert au président Chirac lors d’une visite sur l’île. C’est un exemple symptomatique.

Le visa force les Comoriens des autres îles à rester à Mayotte, au lieu d’y faire de brefs séjours. La chasse aux clandestins a décuplé sous l’impulsion des déclarations en 2004 de François Baroin, alors ministre de l’Outre-mer, sur le droit du sang. Le film nous entraîne dans l’univers cruel et absurde des incendies commandités par des maires, des soins médicaux obligatoires et interdits à la fois, des risques d’épidémies liés au refus de soigner un quart de la population. Le tout impulsé par le fantasme d’une nationalité française qui serait trop facile à obtenir...

Une honte de plus pour notre République, dont le représentant sur place, le préfet, nous expose, en bon « spécialiste » (pour reprendre le titre d’un film sur Eichmann), ses stratégies pour répondre aux objectifs chiffrés de déplacements forcés de populations.

Pierre Caminade

Sur le Web
 extraits sur www.lesfilms.info/
 Les plus de billetsdafrique.survie.org : Sur le sujet, vous pouvez écouter en ligne la série d’émissions fait par Daniel Mermet sur Mayotte : Mayotte : un confetti explosif

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 158 - Mai 2007
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