Survie

RDC : Les sans voix de la forêt osent élever la voix.

(mis en ligne le 1er mai 2007) - Odile Tobner

Au coeur de la forêt tropicale des hommes dénués de tout osent s’élever contre la destruction de leurs ressources et contre les conditions de vie indignes qui leur sont imposées dans un monde où la puissance est nourrie des profits faits à leurs dépens avec l’aval du WWF, organisation mondiale de protection de la nature.

Des militants de VSV ont poussé l’audace subversive jusqu’à adresser par voie de presse une pétition au gouvernement, protestant contre l’exploitation abusive de la forêt par SIFORCO (Société Industrielle et forestière du Congo). Ils s’appuient sur l’article 56 de la constitution qui interdit de priver la population du bénéfice de ses ressources naturelles. Á Bumba les écoles et les administrations n’ont ni bureaux ni chaises pendant que le bois de leur forêt est exporté vers l’Europe, sans aucun profit pour les habitants.

Un permis de "pillage" validé par le WWF

La réplique de la SIFORCO a été de traduire 20 des signataires en justice, estimant que cette dénonciation était de nature « à porter atteinte à son honneur et à sa considération ». La SIFORCO peut en effet se prévaloir de l’appui complaisant des autorités et des forces de l’ordre pour réprimer toute velléité de protestation. Il s’agit d’intimider et de contraindre au silence la population locale.

La SIFORCO appartient au groupe DANZER, multinationale allemande de l’exploitation forestière. Informée de ces faits l’ONG WWF, qui appuie par ailleurs la demande de certification FSC (label garantissant une exploitation respectueuse de la nature et de la population) de cette société, répond péremptoirement, par la plume de Markus Radday, responsable du secteur des forêts tropicales pour la branche allemande de l’association, que « les accusations de VSV sont fausses », que la SIFORCO œuvre en pleine légalité.

Si vraiment les activités de la SIFORCO sont sans reproche, elle n’a rien à craindre d’une pétition qui ne saurait entacher une réputation fondée sur l’excellence de sa conduite. Si au contraire elle bénéficie « légalement » d’un permis de pillage, sous forme de contrat léonin, tels que les acceptent des dirigeants complices, on comprend qu’elle use de mesures draconiennes pour éliminer toute protestation en profitant d’un rapport de force écrasant.

Un silence étourdissant

Au cœur de la forêt tropicale des hommes dénués de tout osent s’élever contre la destruction de leurs ressources et contre les conditions de vie indignes qui leur sont imposées dans un monde où la puissance est nourrie des profits faits à leurs dépens. C’est là que la brutalité sans nom du système opère en toute impunité, loin des regards et loin des jugements de l’opinion. Il s’agit de maintenir le silence le plus complet pour éviter le risque d’une curiosité importune. Tous les moyens sont bons pour empêcher les victimes d’accéder à la liberté de parole.

Odile Tobner

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 158 - Mai 2007
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