Survie

Djibouti. Une affaire à tiroirs

(mis en ligne le 1er juin 2007) - Jean-Loup Schaal

Les obstacles dressés par le Gouvernement français ont suscité plusieurs plaintes, qui sont en cours d’instruction ou en délibéré

– A Versailles, une plainte pour tentative de subornation de témoins a été déposée par deux témoins djiboutiens exilés à Bruxelles : Mohamed Saleh Alhoumekani et Ali Iftin. Elle vise l’un des deux premiers magistrats intervenus sur l’affaire : Marie-Paule Moracchini (dont les conclusions dans d’autres affaires de l’époque sont controversées), Hassan Saïd, le chef des Services secrets djiboutiens, Djama Souleiman, le Procureur général djiboutien et Me A. Martinet, un avocat français établi à Djibouti, au service de la Présidence djiboutienne.
Les quatre personnes ont été convoquées par la Justice : comme les deux djiboutiens ont refusé de se présenter, un mandat d’arrêt international a été lancé contre eux.

– A Lille, une plainte en diffamation a été déposée par Marie-Paule Moracchini contre l’ancienne Présidente du Syndicat de la Magistrature, Anne Crenier, qui a toujours soutenu le combat de la veuve du juge, Elisabeth Borrel. Madame Moracchini a affirmé au cours de l’audience qu’elle croyait toujours à la thèse du suicide et que sa conviction avait été confortée lors de la première reconstitution : « je l’ai vu, c’est un lieu où l’on se suicide ! » Le délibéré sera rendu le 27 juin.

– A Paris, une plainte pour tentative de pression sur la Justice a été déposée par Mme Borrel contre Hervé Ladsous, ancien porte-parole du Quai d’Orsay.
Dans cette affaire dans l’affaire, les juges enquêtent sur le processus de décision ayant mené début 2005 à une déclaration officielle du Quai d’Orsay, assurant qu’une copie du dossier d’instruction relatif au décès du juge Borrel serait « prochainement transmise à la justice djiboutienne » qui en avait fait la demande. Or, ce communiqué intervenait avant que la juge Sophie Clément, en charge de l’enquête et donc seule habilitée à transmettre son dossier, ne se prononce. Quelques jours plus tard, elle s’y était d’ailleurs opposée, à juste titre, car cela aurait abouti à l’enterrement de l’affaire Borrel.
L’instruction a été confiée aux Juges Fabienne Pous et Michèle Ganascia. Elles ont perquisitionné le 20 avril au Ministère des Affaires étrangères et le 21 au Ministère de la Justice. Elles auraient saisi de nombreux documents et supports informatiques. Il est à noter que la Gendarmerie a refusé d’assister les juges, comme cela est de son devoir.

Panique à l’Elysée

Lors de la 3ème perquisition, le 3 mai, les juges se sont cassé les dents aux portes de l’Elysée. Pourtant elles possédaient un mandat de perquisition en bonne et due forme. Elles ont déclenché une véritable panique. Il leur a été d’abord opposé que l’Elysée est une enceinte militaire. C’est sur le couvercle d’une poubelle qu’elles ont donc immédiatement requis l’autorité du gouverneur militaire de Paris, en application des procédures en vigueur. L’Elysée a trouvé la parade en invoquant le nouvel article 67 de la constitution sur l’immunité du Chef de l’Etat. Les gendarmes de garde ont aussitôt refoulé les deux juges en les bousculant jusqu’au trottoir mettant ainsi fin à la tentative de perquisition. Une perquisition avortée qui visait le bureau de Michel de Bonnecorse, patron de la trop fameuse cellule « Afrique » de l’Elysée, dont de nombreux observateurs, Survie en particulier, demande la suppression immédiate. Dans un communiqué, Survie et l’ARDHD ont d’ailleurs dénoncé l’opacité du financement, des méthodes et des objectifs de cette cellule. Elles réclament aussi le transfert des dossiers aux Archives nationales.

Jean-Loup Shaal

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 159 - Juin 2007
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