Survie

Nicolas Sarkozy, entre Le Pen et Bongo.

(mis en ligne le 1er juin 2007) - Odile Tobner

Á peine élu, Nicolas Sarkozy a démontré à quel point il avait besoin de ce qu’il y a de pire en Afrique. Dès le 25 mai, il a reçu à l’Élysée Omar Bongo, président du Gabon depuis quarante ans. Il n’avait probablement pas le choix, de même qu’il a dû, il y a quelques semaines, quand il était candidat, aller se faire photographier auprès du même, symbole du pillage de l’Afrique, qu’il remerciait pour ses “conseils”. Aucun pouvoir français ne peut se passer de la pourriture africaine.

Cette réception infâmante a été précédée par l’épisode choquant de la croisière du vainqueur de l’élection présidentielle sur le yacht de Vincent Bolloré, milliardaire françafricain. L’essentiel des bénéfices du groupe Bolloré vient de ses activités africaines. Ces bénéfices lui ont permis de s’implanter dans les médias hexagonaux. Activités exotiques et propagande domestique, l’accord est parfait. De “conseils” en cadeaux, le nouveau président de la république française montre combien il est redevable à la richesse africaine.

Quant aux Africains ils sont vraiment en trop partout. Pillés chez eux, chassés d’ici. Nicolas Sarkozy doit son élection aux voix prises à Le Pen, qui est passé de 18 à 10 % au premier tour. Le candidat de l’UMP n’a pas convaincu cette partie de l’électorat d’abandonner ses préjugés racistes, ce qui constituerait une véritable conquête. Non, il s’est contenté de stigmatiser grossièrement, par une caricature offensante, toute une fraction de la population française en criant sur « ceux qui tuent le mouton dans la baignoire et ceux qui excisent leurs filles ». Enfin il a promis de faire un ministère chargé de l’immigration et de l’identité nationale. Le Pen en avait rêvé, Sarkozy l’a fait.

Huit universitaires ont annoncé, le 18 mai, leur démission des instances officielles de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration (CNHI). Pour eux la création d’un tel ministère constitue une honteuse et dangereuse régression. On est sur le chemin de la politique du bouc émissaire. Certains “humanistes” n’ont pas eu autant de dignité. Ils ont accepté de cohabiter et de collaborer avec une politique ouvertement lepéniste. Si quelqu’un prend encore au sérieux les trémolos de Bernard Kouchner, c’est que rien ne peut l’instruire.

Pour tous ces transfuges, ce qui est scandaleux ce n’est pas qu’ils tombent du côté où ils penchent, c’est qu’ils ont pu faire carrière aussi longtemps à gauche dans des instances dirigeantes et médiatiques et contribuer ainsi puissamment à sa démission devant la montée d’une xénophobie qui cible les anciens colonisés. Si une politique raciste n’est pas discriminante, qu’est-ce qui peut bien l’être ? Le Pen a moralement gagné cette élection. Ses idées seront servies par des gens qui faisaient mine de le trouver odieux. Il suffisait de changer l’emballage.

Avec Bongo, Sarkozy a trouvé un dirigeant à sa taille et son maître en même temps. Qui est demandeur en effet ? Bongo ne manquera jamais de gens venus des autres continents pour l’embrasser, lui et les richesses africaines dont il dispose. Sarkozy et ses amis hommes d’affaires risquent de ne plus jamais trouver d’aussi riches terrains d’exploitation qu’en Afrique. Les affaires ou la démocratie, le choix est vite fait. Certes, il faudra redoubler de zèle dans la chasse aux Africains fuyant la misère, mais quoi, dans un monde où le respect va à l’argent, tout a son prix !

Odile Tobner

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 159 - Juin 2007
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