Cafouillage et mascarade électorale : le premier tour des législatives, destinées à renouveler les 137 députés de l’Assemblée nationale, s’est déroulé de façon chaotique le 24 juin.
De mémoire de congolais, jamais élections n’auront été organisées avec autant de désinvolture. A Brazzaville, presque aucun bureau n’a ouvert à l’heure officielle. Mieux : dans de nombreux cas : les bureaux ont ouvert à l’heure de clôture (18H). Dans un grand nombre de bureaux de Pointe-Noire (sud-ouest), le vote n’a pas pu avoir lieu faute de matériel électoral. Dans d’autres circonscriptions du pays, à Mossendjo (sud-ouest) et à Djambala, dans le département du Plateau (centre), les habitants ont empêché le déroulement du vote. Ils dénoncaient l’absence de certains noms sur les listes électorales sur lesquelles figuraient en revanche des noms fictifs ou des personnes décédées. Certains mineurs ayant de surcroît reçu des cartes d’électeurs.
Même le président de l’Assemblée nationale n’a pas pu voter dans sa circonscription faute de figurer sur les listes électorales. Pourtant habituellement peu regardants, les observateurs de l’Union africaine et de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale ont constaté les trop nombreuses "insuffisances" (et c’est un euphémisme) du scrutin.
Dans un communiqué conjoint, ces organisations en ont dressé l’inventaire : omission d’électeurs sur les listes électorales, leur dispersion dans des bureaux de vote éloignés du lieu de leur résidence, un nombre important d’inscrits ne disposant pas de carte d’électeur, le déplacement de certains bureaux de vote le jour du scrutin, une répartition inéquitable d’inscrits par bureau, l’enregistrement sur des listes additives d’électeurs omis sur les listes originales, la non tenue du scrutin dans certains bureaux, les bureaux de vote ouverts en retard à l’exception de quelques-uns, des listes électorales et bulletins indisponibles dans un grand nombre de bureaux, enfin, une participation faible des électeurs et le non respect du code électoral. Rien que ça !
En somme, des « insuffisances » de nature à invalider le scrutin dans un régime normal mais sûrement pas pour Denis Sassou Nguesso. N’est pas démocrate qui veut ! La presse officielle titrant sur le « calme » qui a prévalu pendant ces élections. La Commission électorale, à la solde du tyran, lui emboîtant naturellement le pas.
Certains partis politiques ayant pourtant participé à ce simulacre d’élection crient à la magouille. Il n’y avait pourtant aucune chance qu’il en fut autrement ! Espérer de Sassou Nguesso l’organisation d’élections démocratiques et impartiales relève d’une véritable cécité politique. Les choses se sont donc déroulées comme il le voulait. Dans la confusion. Tout juste a-t-il concédé la reprise des élections dans les bureaux ou circonscriptions ayant « posé problème ».
La fin du film est connue : "victoire éclatante" du camp présidentiel au 2ème tour, prévu en juillet. Comme toujours, empêtrée dans ses contradictions et ses compromissions, la classe politique joue à merveille les seconds rôles. « Il est là, il faut faire avec » se justifient-ils en lorgnant, comme d’habitude sur le gros gateau à se partager.
Avec une telle classe politique, ce régime parasitaire a encore de beaux jours devant lui. Il faut s’en convaincre désormais, rien n’est possible et ne pourrait l’être avec elle.
Quand les Congolais prendront-ils conscience qu’il faut investir massivement le champ politique pour se débarrasser de ces dirigeants incompétents, cupides et pathologiquement corrompus. Quand se décideront-ils à chasser une classe politique irresponsable qui n’a surtout pas la volonté d’améliorer les conditions de vie des congolais ? Elle est plutôt attentive à ne pas gêner le pillage des ressources naturelles du pays par les entreprises occidentales et maintenant chinoises dont ils tirent l’essentiel de leurs revenus.
Ailleurs en Afrique des peuples ont déjà chassé les oppresseurs. La dictature et la gabegie ne sont pas une fatalité. Encore faut-il que chacun prenne son destin en main pour porter une exigence de citoyenneté, de justice, d’humanité, de fraternité et d’égalité.
Il faut refuser toute collaboration avec ce régime qui se pare des habits de la démocratie, dénoncer sans relâche ses membres, coupables de crimes de sang ou de crimes économiques. Il faut combattre inlassablement l’impunité dont ils bénéficient. C’est la seule condition pour mettre en échec la politique de Sassou Nguesso et son clan et qu’enfin on puisse espérer des élections véritablement démocratiques au Congo.
Benjamin Moutsila
Fédération des Congolais de la Diaspora
Disparus du Beach, Ndenguet hors d’atteinte
La cour d’appel de Versailles a abandonné le 20 juin les poursuites contre le chef de la police congolaise Ndenguet, mis en examen pour "crimes contre l’humanité" dans l’affaire des disparus du Beach, validant toutefois le reste de l’enquête française. La chambre de l’instruction a estimé que Ndenguet jouissait d’une immunité empêchant sa mise en examen en France.
Cette affaire avait été marquée par la libération, dans des conditions rocambolesques, de Jean-François Ndenguet, incarcéré au soir du 2 avril 2004 à la prison de la Santé puis relâché dans la foulée au terme d’une exceptionnelle procédure de référé-liberté qui s’était tenue en pleine nuit. Ses défenseurs avaient fait valoir que le chef de la police congolaise était alors en mission officielle en France ce qui le rendait bénéficiaire d’une immunité diplomatique. Or ce n’est qu’après avoir eu connaissance de la garde à vue de Jean-François Ndenguet que l’ambassade du Congo à Paris avait envoyé un fax au quai d’Orsay indiquant que ce dernier était en mission officielle en France. Une auto-immunité a posteriori en somme. "C’est une reprise en main par le pouvoir politique des affaires judiciaires, lorsqu’elles touchent aux intérêts géopolitiques de la France" ont estimé les avocats des parties civiles. Après l’affaire Borrel, cela devient une (mauvaise) habitude.
Réfugiés en République démocratique du Congo (RDC) après avoir fui les affrontements chez eux, 353 congolais (Congo-Brazzaville) avaient été massacrés après leur retour en 1999. Ils avaient accosté au Beach, principal port de Brazzaville sur le fleuve Congo.