Survie

Le RPT continuera à régner, l’UFC à crier et les Togolais à souffrir

Le résultat des dernières législatives a été sans surprise. Le Rassemblement du peuple togolais (RPT) s’est assuré de la victoire grâce à un découpage électoral sur mesure et à l’achat massif de votes.

(mis en ligne le 1er novembre 2007) - Zoul

Je suis arrivé hier seulement, mais
on sent dans l’air une atmosphère
particulièrement triste, un poids qui
accable les Togolais, qui, une nouvelle fois,
ont voulu y croire, et se sont fait encore voler
tout espoir. Pourtant, à l’international,
comme localement, tout le monde reconnaît
l’exemplarité du scrutin, la transparence,
l’absence de pressions, de violence et de
chaos qui marquaient jadis chaque élection.
Cette fois-ci, les fraudes massives ne
semblent pas avoir été commises comme
d’habitude, et l’on voit se dessiner une nouvelle
forme d’organisation mafieuse, qui
continue à servir les intérêts des « puissances
 » et des « puissants », tout en donnant
l’allure d’une situation « démocratique » normale.
Un peu comme au Burkina-Faso.

« Cadeautages » à tous les étages

Les gens racontent qu’après la première semaine
de campagne, qui s’était déroulée dans
une atmosphère apaisée, on entendait parler
un peu partout du Comité d’action du renouveau
(CAR), parti du Premier ministre et
deuxième parti d’opposition, qui devait être
plébiscité par les Togolais, pour sanctionner
les deux partis s’affrontant traditionnellement,
le RPT au pouvoir et l’Union des forces
de changement (UFC), du fils du leader
de l’indépendance Sylvanus Olympio.

La deuxième semaine, la machine à corrompre
du pouvoir en place s’est mise à fonctionner
jusqu’au jour du vote. Tandis qu’au nord
du Togo, les chefs de canton étaient achetés
à coup de voitures, de motos et d’enveloppes
bien grasses, on distribuait un peu partout, du
sel, de l’essence, du maïs, du riz, et des billets
de 1 000 francs CFA aux populations, les
chefs de cantons se chargeant de redistribuer
aux chefs de quartiers, etc. Comme rapporte
un observateur, dans les villages, en brousse,
les gens déclarent « ne rien comprendre à
la politique
 ». Ils votent « par rapport à ce
qu’on nous donne
 ». Le reste ? ils ne veulent
rien savoir. C’est ainsi qu’on verra, non loin
de Lomé, des gens réclamer leur 1000 F CFA
pour avoir « bien voté »…

Au sud du pays, et en particulier à Lomé, ce
sont les opposants « radicaux » qui remportent
la victoire des urnes. En effet, l’UFC sort
grand vainqueur, loin devant tous les autres,
mais ce n’est pas pour autant que leurs sièges
à l’assemblée sont acquis. La Cour constitutionnelle devra trancher. Mais comment
gouverner un pays quand la capitale est totalement
acquise à l’opposition ?

Résultats sans surprise

Les résultats au niveau national attribuent
50 sièges au RPT, 27 à l’UFC et seulement
4 au CAR de Me Agboyibo, l’actuel Premier
ministre. Les « indépendants », qui avaient
fleuri un peu partout, et qui se voyaient déjà à
l’Assemblée n’ont rien obtenu.

Ces chiffres reposent sur un scandale, qu’il
aurait fallu dénoncer bien plus tôt : le découpage
électoral du pays, mis en place et hérité
du temps de Gnassingbé Eyadéma, qui attribue
de très nombreux sièges dans les régions
du nord, moins peuplées, et très peu dans le
sud traditionnellement favorable à l’opposition.
L’autre point qui fait débat, c’est la
question des bulletins nuls, nombreux à avoir
été écartés puisque ne respectant pas scrupuleusement
le code électoral qui prévoit une
croix, ou une empreinte digitale face à la case
du candidat choisi. Les bulletins de ceux qui
ont par exemple signé dans la case au lieu
de faire une croix sont considérés comme
invalides. L’UFC estime avoir été la principale
victime de cette situation. UFC et CAR,
au lieu d’expliquer comment voter, comme
ils l’avaient très bien fait en 2005, ont passé
leur temps à se tirer dans les pattes, ce qui a
bénéficié au RPT qui veut garder le pouvoir.
Alors, on peut certes se réjouir que le scrutin
se soit passé sans violence. On peut également
se réjouir de voir les Togolais parler
librement, sans peur, de politique, sans s’inquiéter
d’être suivis, menacés, arrêtés, disparus
ou tués. Dans un pays qui a tant souffert,
cette conquête de liberté soulage un peu les
coeurs. Mais cela a-t-il vraiment un sens si
c’est là l’unique liberté, et que la faim et la
misère continuent à sévir partout ?

Retour à la case misère

Ce qui est sûr : l’Europe a eu des élections
propres, le RPT reste en place et bien en place,
l’UFC continuera à crier, et les Togolais à
souffrir. Le port de Lomé continuera à ravitailler
les pays voisins enclavés, et à exporter
les richesses du Togo, ceux qui les exploitent
continueront à s’enrichir… Les panneaux
qui criaient « Non à l’impunité ! » seront
remplacés par des pubs vantant les mérites
de multinationales françaises des
télécoms, et Sarkozy continuera à traiter
avec ses « amis chefs d’État » quand bien
même ceux-ci seront arrivés au pouvoir
sur un bain de sang, et se seront maintenus
en achetant leur victoire…

Sebastian Alzerreca

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 163 - Novembre 2007
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