Survie

Un combat usurpé

(mis en ligne le 1er novembre 2007) - Gnama Khilira

Le 10 janvier 2007, éclatait une grève générale, noyée dans le sang par le régime de Lansana Conté. La nomination d’un Premier ministre de consensus n’a rien changé huit mois plus tard. La mafia et les politiciens tirent toujours les ficelles.

Avec la bénédiction de la France.

Les revendications de l’intersyndicale
guinéenne, qui avait déclenché
la grève générale, portaient
sur la baisse du prix des produits de base,
la hausse des salaires, la lutte contre la
corruption et la formation d’un gouvernement
d’union nationale.

Largement suivie
par la population, cette grève donna lieu
à de nombreuses manifestations, violemment
réprimées. Le 12 février, le général
Lansana Conté décréta l’État d’urgence.
Tortures, assassinats et viols furent perpétrés
par les bérets rouges de la garde présidentielle
– une milice en partie équipée
par la France – l’armée et des mercenaires
recrutés en Guinée Bissau et au Liberia.
Face à la pression de la rue et des syndicats,
Lansana Conté accepta cependant de
nommer un premier ministre de consensus,
Lansana Kouyaté. D’abord acclamé à
Conakry, celui-ci n’aura pas fait illusion
bien longtemps.

Les mauvaises notes s’accumulent
 : création, en lieu et place d’une
commission d’enquête internationale sur
les exactions commises en janvier et février
dernier, d’une « commission nationale
indépendante » largement inactive,
réhabilitation du milliardaire Mamadou
Sylla, le patron des patrons guinéens inculpé
pour corruption et détournements de
biens publics et sorti de prison par Lansana
Conté lui-même en décembre dernier,
multiplication des tournées internationales
et des réceptions somptueuses, rénovation
de sa villa aux frais de la princesse, etc.
Mais la défection de cet ancien membre
du Parti présidentiel guinéen (PDG) de
Sékou Touré ne saurait surprendre ceux
qui ont suivi son parcours à la Francophonie,
à la Cedao et à l’ONU.

Il faut dire aussi que la guerre de succession
à laquelle il se livre ne lui laisse
guère beaucoup de temps pour s’attaquer
à l’indigence qui règne dans le pays. Sur
ce terrain, les efforts et les moyens qu’il
déploie, avec notamment la création du
Mouvement des jeunes patriotes de Guinée,
ne sont d’ailleurs pas sans rappeler
les méthodes de son ami Laurent Gbagbo.

Quant à la révision des contrats miniers
censée rétablir des niveaux de revenus acceptables
pour l’Etat, les choses n’avancent
pas très vite. Le pays continue par
exemple de ne percevoir que 0,35 dollars
par tonne de bauxite extraite. Mais là encore,
l’investissement de Lansana Kouyaté
semble des plus limité, en particulier
depuis sa visite aux Etats-Unis lors de
laquelle il s’est rendu au siège de Hyperdynamics,
une société qui cherche à s’implanter
en Guinée après avoir acquis les
droits d’une autre société - US OIL - créée
de toute pièce par l’entourage de Lansana
Conté. À noter toutefois que le gouvernement
refusa de signer le contrat léonin
qu’elle s’était concocté pour l’exploration
et l’exploitation du pétrole guinéen et imposa
de nouvelles négociations.

Autre fait inquiétant : une partie des leaders
de l’intersyndicale ayant porté les
mouvements de grève de janvier/février
2007 semble bien avoir été récupérée
par l’entourage du Premier ministre. La
secrétaire générale de la CNT-G, Hadja
Rabiatou Diallo, continue le combat mais
apparaît de plus en plus isolée. En attendant,
la colère gronde, sourdement mais
sûrement.

Gnama Khilira

Un scandale géologique
Avec ses gisements d’or, de diamants,
d’uranium, de pétrole, de fer et de
bauxite (premières réserves mondiales
et second producteur au monde), la
Guinée est potentiellement l’un des pays
les plus riches d’Afrique et pourtant l’un
des plus pauvres du monde.

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 163 - Novembre 2007
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