Avant la rencontre, dans un discours prononcé à Lisbonne, le chef de l’État français avait déclaré : « Nous n’avons pas toujours su prévenir ou arrêter des drames innommables. Je pense au Rwanda et à son génocide qui nous oblige à réfléchir, France comprise, à nos faiblesses et nos erreurs. » Quarantehuit heures plus tard, la secrétaire d’État rwandaise à la Coopération, Rosemary Museminari, a déclaré sur Radio Rwanda que les deux présidents avaient « jeté les bases du processus de rétablissement diplomatique ». « Il y a de l’espoir », a-t-elle affirmé, avant d’ajouter que l’un et l’autre reconnaissaient que « beaucoup reste à faire ». Sans doute…
Au mois de juillet dernier, le ministre rwandais des Affaires étrangères, Charles Murigande, interrogé au sujet des perspectives d’une normalisation des relations franco-rwandaises, avait jugé celle-ci possible après avoir salué la « nouvelle attitude » française. Il a cependant clairement indiqué que « l’espoir » dépendait du retrait des mandats d’arrêt lancés par le juge Jean-Louis Bruguière contre des proches du président Kagame dans le cadre de son investigation sur l’attentat contre l’avion de Juvénal Habyarimana. L’« enquête » du juge Bruguière, qui attribue l’attentat au Front patriotique Rwandais (FPR), ne se fonde sur aucun élément concluant. L’examen de cette question s’inscrit en tête de liste de ce qui « reste à faire ». Et les excuses que le Rwanda souhaite que la France lui adresse pour avoir prêté main forte au régime qui a commis le génocide des Tutsi ? On ne sait pas où en sont les deux États dans leurs négociations, mais celles-ci sont engagées. La poignée de mains de Lisbonne semble indiquer qu’elles avancent. À l’issue de sa rencontre avec Paul Kagame, Nicolas Sarkozy a annoncé que les deux hommes avaient décidé de mettre en place un « groupe de travail » destiné à poursuivre l’examen de l’ensemble du dossier.
La rencontre de Lisbonne est qualifiée par certains d’« historique ». Historique ? Que notre pays reconnaisse ce qu’il a fait et en demande pardon le serait. Mais quoi d’étonnant que des États procèdent à des arrangements entre eux en fonction de leurs intérêts ? Laissonsles à leurs tractations. Il nous reste à inscrire dans l’histoire – de la France –, une fois pour toutes, l’indéniable réalité, et à achever la disqualification, politique et morale, de ceux qui en sont responsables. Il reste à faire en sorte que la réalité ne puisse plus être niée. Libre alors à ceux qu’elle n’affecte pas de rester dans l’ignominie.
Sharon Courtoux