Tandis que la demande mondiale en énergie nucléaire grimpe, les vastes réserves d’uranium du Niger ne sont pas un atout pour la population. Désordres politiques, sanitaires et environnementaux sont encore la règle générale.
Le Niger est un des pays les plus pauvres du monde et pourtant il est le 4ème producteur mondial d’uranium. Il est même en 4ème position pour les ressources détenues.
Les 2 filiales d’Areva (Somaïr et Cominak) qui exploitent l’uranium nigérien depuis le début des années 70 ont déjà produit sur place plus de 100 000 tonnes d’uranium. Des contrôles radiologiques effectués par la commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD) à partir de décembre 2003, à la demande de l’association Aghir in man et son président, Almoustapha Alhacen, montrent clairement la violation des règles de radioprotection et une pollution de l’environnement (voir note N°08-02 téléchargeable sur le site de la Criirad).
La contamination en uranium et l’appauvrissement des ressources en eau puisées dans une nappe fossile (non renouvelable) est un exemple parmi d’autres. Tout comme la contamination de l’air ambiant par des poussières radioactives et des gaz radioactifs conduisant, pour certains groupes de population, à une exposition aux rayonnements ionisants supérieure aux limites sanitaires.
L’étude d’impact environnemental pour l’extension de l’exploitation Afasto-Ouest (Cominak) précise : « en terme de morbidité (… à Arlit, les infections respiratoires occupent la première place »(…) « Les vents de sable, les rejets atmosphériques des usines minières pourraient être des facteurs aggravants sur le plan pulmonaire dans cette localité ».
Pourtant, les deux filiales d’Areva continuent à entreposer, à l’air libre, le minerai mais aussi plus de 20 millions de tonnes de résidus radioactifs produits par leurs deux usines. Avec la même légèreté, la Cominak et la Somaïr mettent en vente des ferrailles contaminées. Un tuyau métallique acheté par la Criirad en décembre 2003 sur le marché d’Arlit présentait un dépôt contenant une très forte activité en radium 226 (235 000 Bq/kg). Les contrôles effectués en avril 2007 par deux étudiantes permettent de confirmer que des ferrailles contaminées et irradiantes sont toujours présentes. C’est le cas chez un des ferrailleurs de la ville mais aussi dans des lieux habités.
En outre, la dispersion de matériaux radioactifs dans l’environnement n’épargne même pas l’hôpital Cominak puisque l’on mesure un niveau de radiation, au contact du sol, jusqu’à cent fois supérieure à la normale devant ses portes. On ne compte même plus les accidents de transport de matières radioactives.
En plus de la radioactivité, la Cominak qui a consommé, en 2002, plus de 11 000 tonnes de soufre, 5000 tonnes de ciment participe à la pollution chimique de la zone. Les exploitants n’oublient pas non plus les gaz à effet de serre : la production d’une tonne d’uranium nécessite près de 10 tonnes d’équivalent pétrole. Et les sites miniers sont approvisionnés en électricité par une centrale à charbon.
Bien que tardives et insuffisantes et même si Areva continue de nier globalement les constats de la Criirad, le groupe semble avoir cependant pris quelques dispositions sous la pression de l’association Aghir in man et de la Criirad.
C’est ce qu’a confirmé Almoustapha Alhacen, lors son passage à Valence les 30 et 31 janvier dernier. Il a pu témoigner de l’abandon de certains puits (avec l’hypothèse qu’il s’agisse des puits les plus contaminés), du renforcement des contrôles sur les ferrailles et la mise à disposition, sur les sites industriels, de laveries pour que les ouvriers n’aient plus à ramener leurs vêtements contaminés à domicile, le renforcement des emballages des fûts d’uranium pour le transport et des consignes de sécurité (interdiction de transporter des personnes sur les fûts d’uranium !). Almoustapha Alhacen a témoigné également de l’augmentation du nombre de dosimètres mis à disposition du personnel.
Mais le passif d’Areva est tellement lourd que le combat pour la transparence et la protection de l’environnement doit prendre une autre ampleur. D’autant que les autorités du Niger auraient accordé 122 permis de recherche d’uranium à des sociétés européennes, asiatiques, nord-américaines et australiennes et il semblerait que les compagnies n’hésitent pas à chasser les populations nomades des territoires convoités.
Le groupe Areva a confirmé avoir signé, le 13 janvier 2008, avec les autorités du Niger, un accord pour la mise en exploitation d’un nouveau gisement d’uranium à Imouraren, situé à 80 kilomètres au sud d’Arlit. Il constituera le "plus grand projet industriel minier jamais envisagé au Niger le plaçant au deuxième rang mondial avec une production de près de 5.000 tonnes" d’uranium par an.
A Imouraren, la contamination de l’environnement a déjà commencé où les niveaux de radiation gamma sont de cinq à neuf fois supérieurs à la normale au contact des tas de boue séchée laissés en place à l’endroit des trous de forage).
En préalable à l’exploitation de nouveaux gisements, la Criirad demande la mise en œuvre d’un plan d’urgence visant à apprécier à leur juste mesure, et à limiter, les risques pour l’environnement et les populations. De ce point de vue, il est essentiel de soutenir sur le long terme, l’action salutaire de l’ONG Aghir in man, « bouclier de l’âme ».
Bruno Chareyron
www.criirad.org