Plus que jamais, le parlement doit avoir son mot à dire dans la conduite de la politique africaine de la France. Les graves compromissions françaises au Tchad mérite amplement la création d’une enquête parlementaire.
A l’heure où Nicolas Sarkozy dit vouloir « associer étroitement le Parlement français aux grandes orientations de la politique de la France en Afrique » (Discours du Cap du 28 février 2008 en Afrique du Sud), Survie et d’autres associations membres de la Plateforme France-Afrique , prennent le président de la République au mot en demandant la création d’une commission d’enquête parlementaire sur l’implication française dans le conflit tchadien. Cette volonté annoncée de rendre la politique de la France en Afrique plus transparente se heurte à la récente actualité au Tchad qui prouve que l’opacité reste de mise. L’engagement militaire, diplomatique et politique de la France a été déterminant dans le maintien au pouvoir du régime du président Idriss Déby Itno or le soutien sans faille apporté à ce régime dictatorial mérite, pour le moins, d’être débattu dans notre enceinte démocratique.
Les députés des commissions Affaires étrangères et Défense ont été sollicité pour porter ce projet. Suite à cette interpellation et reprenant à la lettre les revendications de nos associations, le groupe parlementaire de la gauche démocrate républicaine (PC, Verts et divers gauche) a déposé une proposition de résolution visant à la création de cette commission d’enquête.
Une telle commission, dotée de pouvoirs importants d’enquête et de convocation pour audition, serait l’occasion pour le parlement d’éclaircir le rôle de la France au Tchad dans toutes ses dimensions : militaire, diplomatique et politique mais aussi sur le plan, ô combien majeur, des droits de l’Homme.
Le soutien militaire de la France pour repousser les attaques rebelles sur N’Djamena en avril 2006 puis en février 2008, les ventes et les transferts d’armes opérés au profit de l’armée tchadienne et, plus largement, le cadre et les modalités d’intervention des forces françaises au Tchad prévues par les accords de coopération sont autant d’éléments qui requièrent de nombreux éclaircissements.
Sur le plan diplomatique et politique, cette commission devra revenir sur les formes de soutien apportés par la diplomatie française au régime tchadien à travers les rencontres et visites officielles, la validation des scrutins contestés, la défense du régime devant les organisations internationales... questions qui méritent grandement une remise en cause.
En matière de violation des droits de l’homme, une commission d’enquête parlementaire permettra d’établir le degré de connaissance par la diplomatie française des violations commises par le régime pendant et depuis la bataille de février 2008 : opposants démocratiques emprisonnés, militants associatifs, journalistes indépendants et autres membres de la société civile menacés et contraints à l’exil.
En se saisissant du cas tchadien dans son ensemble, les parlementaires français pourront apporter un appui démocratique et soutenir l’implication de la France dans le processus de paix en concertation avec les partenaires européens. Ils pourront également participer à la mise en place d’un dialogue national inclusif avec les partis d’opposition et la société civile, seule voie pour empêcher une prise du pouvoir par la force et assurer une stabilité à long terme au Tchad. C’est ce que réclame d’ailleurs le comité de suivi de l’appel à la paix et à la réconciliation nationale au Tchad.
Alexandra Phaëton
Poisson d’avril
Face au tollé provoqué par l’annonce de Nicolas Sarkozy devant les parlementaires britanniques d’un renforcement de la présence militaire française en Afghanistan, le gouvernement a accepté d’organiser le 1er avril un débat sur le sujet à l’Assemblée nationale puis au Sénat avec les ministres concernés, Bernard Kouchner et Hervé Morin. Selon la Constitution, l’exécutif a le droit -contrairement aux règles dans la plupart des pays démocratiques- d’engager ses troupes dans des opérations militaires extérieures sans obtenir l’aval préalable du Parlement. Outre le fait que le président réserve la primeur de son annonce aux élus britanniques, une question s’impose : pourquoi, ce qui est possible à propos de l’Afghanistan, ne le serait-il pas s’agissant du Tchad ou de la Centrafrique ?
Mais ne rêvons pas : le débat parlementaire du 1er avril n’aura duré qu’une heure et il n’a été suivi d’aucun vote.
Raphaël De Benito