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Multinationales impérieuses et impunies

(mis en ligne le 1er mai 2008) - William Sacher

Un ouvrage décapant sur les agissements des sociétés minières et pétrolifères canadiennes en Afrique et le pillage des ressources.

Formé à l’initiative d’Alain Deneault, le collectif Ressources d’Afrique s’est donné pour objectif d’examiner la nature des intérêts canadiens en Afrique et d’inscrire cette question dans le débat public. Notre groupe a synthétisé des travaux (rapports, livres, articles, documentaires, témoignages) faisant état de la présence d’intérêts privés et a ensuite analysé l’action gouvernementale du Canada sur le continent. La densité des résultats obtenus et l’analyse produite ont justifié la rédaction de cet ouvrage. Comme en Françafrique, le tableau n’est guère reluisant. C’est le continent tout entier qui se trouve progressivement investit par des compagnies minières et pétrolières qui trouvent à Toronto une bourse permissive, offrant un climat d’affaire qui permet de prospérer au Sud en taisant les conditions d’exploitation et en jouissant de l’impunité à l’extérieur des frontières canadiennes, le tout avec la caution tacite d’Ottawa qui ne fait rien pour faciliter la poursuite au criminel de ces sociétés privées. Autant d’éléments qui ajoutent au caractère mafiafricain du pillage des matières premières, et qui fait officieusement du Canada un paradis judiciaire pour les sociétés inscrites au Toronto Stock Exchange.

Noir Canada ne pouvait pas ne pas évoquer la toute-puissante canadienne Barrick Gold (numéro 1 mondial de l’or). C’est cette société qui, la veille du lancement du livre, a brutalement mis en demeure les auteurs ainsi que l’éditeur Ecosociété de ne pas procéder au lancement de cet ouvrage, et ce sans en avoir lu une seule ligne.

La lettre, envoyée à un nombre extraordinaire de destinataires, enjoint auteurs, éditeur et membres individuels du conseil d’administration de l’éditeur à ne pas diffuser le livre « contenant des allégations fausses et diffamatoires à l’endroit de la société », et les menace de poursuites conduisant à des « dommages et intérêts substantiels » dans le cas contraire. Ne craignant pas la croissance exponentielle de la censure, la société ajoute que des procédures judiciaires seraient intentées à « toute personne qui contribuerait à propager davantage ces fausses allégations ». L’affaire a fait grand bruit dans la presse québécoise et internationale, un tapage qui a donné une visibilité inespérée à l’ouvrage.

Barrick a décidé de se poser en censeur, par ce qui s’apparente à une tentative d’intimidation, ou plus précisément une menace de SLAPP (Strategic Lawsuit Against Public Participation), une pratique qui consiste pour de riches sociétés à réduire au silence des groupes de citoyens sans ressources, en les entraînant dans des procédures judiciaires longues et coûteuses. Un réel danger pour la démocratie au Canada. Mais aussi un vrai test, puisque ce type de procédures est vivement critiqué au sein de la population québécoise et a récemment fait l’objet de travaux d’une commission parlementaire. Nous considérons que ce test est d’autant plus nécessaire que les épargnants canadiens se trouvent à financer le pillage du continent africain, le plus souvent à leur insu, via leurs fonds de retraites ou de placement communs.

William Sacher

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 169 - Mai 2008
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