Le climat politique et social est de plus en plus tendu au Sénégal sur fond de corruption et d’affairisme forcené du clan présidentiel. La perspective de voir Karim Wade succéder à son père exacerbe encore davantage les tensions politiques.
Décidément le Sénégal n’en finit pas d’étonner et de détonner. Le remplacement au forceps de Wade par son fils à la tête de l’Etat cristallise toutes les attentions, tous les ressentiments.
Il est formellement interdit aux journalistes de s’intéresser aux dossiers qui pourraient gripper le scénario d’une succession à la Eyadema. Celle-ci se voudrait pensée, légitime, voire acceptée par tous. Pour preuve, les journalistes sont tabassés par des forces de l’ordre lorsque ce ne sont pas des milices privées proches du régime qui font le travail de répression.
Depuis l’arrivée de Wade au pouvoir, nombre d’anciens calots bleus préposés à la sécurité de l’opposant Abdoulaye Wade ont été recrutés dans la police et la gendarmerie. A l’issue d’un match de football, les journalistes Boubacar Kambel Dieng et Karamoko Thioune ont été violemment pris à partie par des policiers.
Depuis les relations entre la presse et le pouvoir sont devenus exécrables. Devant le silence complice du pouvoir et depuis que le ministre de l’Intérieur, Cheikh Tidiane Sy, ancien mobutiste, a choisi de défendre sa police, les choses sont allées en se dégradant. Le président du groupe parlementaire du parti démocratique sénégalais Doudou Wade, neveu du président, aurait ouvertement déclaré qu’ils n’excluraient pas de procéder à l’élimination physique de certains opposants en cas de besoin. Pendant ce temps, les journalistes continuent de défiler à la division des investigations criminelles (DIC), haut lieu de criminalisation des journalistes et autres réfractaires. Une police politique en somme.
Le président du groupe Avenir et communication, Madiambal Diagne, bête noire du régime qui continue de subir les affres du pouvoir vient de porter plainte, suite à des menaces de mort à peine voilées, proférées par une députée de la mouvance présidentielle. A cela s’ajoute le saccage des locaux des journaux l’As et 24 h chrono par un groupe d’hommes armés et ce après que le ministre des transports Farba Senghor ait ouvertement déclaré qu’il ferait la fête à ces journalistes. Aucune autorité ne semble disposée à jouer l’apaisement. Dans ce contexte, l’opposition et la société civile regroupées dans le cadre d’assises nationales, s’efforcent de trouver des solutions aux problèmes du pays, malgré les menaces du pouvoir qui refuse la tenue de telles assises. Au Sénégal, un régime de plus en plus autoritaire se met en place dans un contexte de corruption, de prévarication et de pauvreté jamais égalée. Des milliards de francs CFA disparaissent dans la nature sans qu’aucune enquête ne soit menée. Un scénario à l’ivoirienne semble se dessiner et la crainte de voir une explosion lorsque toutes les médiations citoyennes auront été ignorées et que Karim Wade succédera à son père est bien réelle. Le souhait du président Wade est en effet de couvrir ses arrières et de créer les conditions de son immunité sans avoir à répondre de sa gestion gabégique du Sénégal.
Karim Wade qui a été reçu, le 26 août, par Nicolas Sarkozy a discuté d’un projet d’installation de centrale nucléaire au Sénégal selon ses conseillers. Pour s’assurer de son soutien et faire oublier les déboires de Vincent Bolloré à Dakar ?
Mayacine Diouf