L’exploitation de l’or au Burkina Faso remonte aux années 1980 mais le pays connaît aujourd’hui un boom minier qui, sous la houlette de compagnies internationales, propose au travailleur une corvée d’esclave et un salaire indécent.
Il y a tout juste quelques mois, au
cours de la visite du chantier de la
mine d’or de Kalsaka, le gouverneur
de la région du nord, Viviane Compaoré,
se disait pleine de fierté à l’idée que
l’exploitation de ce gisement contribue à
accroître la richesse du pays. Pourtant, le
boom minier que connaît le Burkina Faso
depuis une dizaine d’années, impose des
conditions de travail dramatiques. On
assiste plutôt à une double exploitation.
Celle des ressources naturelles et celle de
la main-d’oeuvre, exploitable et corvéable
à merci, en marge de toute réglementation.
Les sociétés d’extraction implantées
au Burkina Faso ne sont en général
que les deux faces d’une même pièce.
Qu’elles s’appellent Gold Fields, Nantou
Mining, Kalsaka (Mining Cluff),
Burkina Mining Company (Etruscan),
SEMAFO (Consortium), SOMITA
(High River Gold), Essakane SA
(Orezone), ces multinationales, pour
leur implantation au Burkina, créent
une société qui répond un tant soit peu
aux exigences du pays. Mais ces entités
restent des filiales d’une société
mère internationale.
Dans les mines du Burkina Faso, ce
qui saute le plus aux yeux est la tension
qui règne entre les expatriés et la
main-d’oeuvre locale du fait des conditions
de travail. De Mana à Youga, de
Taparko à Essakane, de Kalsaka à Perkoa,
le malaise semble être généralisé
avec des degrés divers d’un site à un
autre.
Dans la phase exploration, construction
et exploitation, beaucoup de travailleurs
nationaux sont pris comme des journaliers et souvent sans aucun contrat,
donc licenciable à volonté. Ceux qui ont la
chance d’avoir un contrat ne sont pas non
plus à l’abri des licenciements abusifs, certains
expatriés réprimant toute contradiction.
Le Burkinabé est très chichement payé pour
suer, pas pour réfléchir et empêcher le patron
“Nassaraa” d’exploiter tranquillement.
De toutes les manières, en cas de différend,
l’expatrié a toujours raison même quand il
piétine la législation du travail.
Une législation qui prévoit huit heures de travail
par jour mais dans les mines, on travaille
sept jours sur sept, dix à douze heures par
jour selon l’emploi que l’on occupe. Le paiement
des heures supplémentaires est fonction
de la compagnie minière et des humeurs
du responsable des ressources humaines. La
majorité des compagnies minières fait faussement
croire aux travailleurs qu’elles ont
signé des dérogations avec le gouvernement
pour les heures additionnelles. Travailler de
façon discontinue pendant sept jours donne
droit dans les mines à un repos de sept jours
toutes les deux ou trois semaines, plus un
congé annuel de trente jours. Bien loin du
rythmes des expatriés travaillant dans les
mêmes mines : 30 jours de travail pour 26
jours de repos. Au final, ils ne travaillent que
six mois dans l’année et sont payés douze
mois. Dans certains secteurs des mines, le salaire
minimum d’un expatrié dans les mines
varie autour de 13 000 dollars (soit 6 000 000
F CFA) à 26 000 dollars (12 000 000 FCFA)
par mois, tandis que les cadres nationaux les
mieux payés tournent autour de 3 000 dollars
pour les compagnies qui paient très bien, à
800 dollars (350 000 FCFA) par mois.
Mais pour certains patrons des mines du
Burkina, leurs salariés nationaux sont mieux
traités que les fonctionnaires burkinabé. On
ne peut pas être plus cynique que ça : arrimer
le salaire des travailleurs des mines à
celui des fonctionnaires, quand on sait que
le fonctionnaire burkinabè compte parmi les
plus mal payés au monde.
Mais à qui la faute ? Aux compagnies minières
? À l’État burkinabé qui a octroyé
des permis d’exploitation à la pelle sans prévoir
un cadre légal pour les travailleurs des
mines ou aux organisations syndicales qui
ont abandonné les travailleurs des mines à
leur sort ? Plus qu’un boom minier, c’est
un boom esclavagiste qui a cours au Burkina.
Mamadou Cissé