Survie

Nuages sur l’An Neuf

(mis en ligne le 17 janvier 2009) - Odile Tobner

On change d’année dans un climat qui a rarement été aussi délétère. La crise financière, largement prévisible mais que personne n’avait prévue parmi ceux qui nous chantaient les louanges du libéralisme comme horizon indépassable du monde où nous vivons, la recrudescence des conflits sans issue, comme des plaies qui ne pourront jamais se fermer parce que trop d’intérêts et de rancoeurs les maintiennent ouvertes irrémédiablement, assombrissent nos pensées.

Il est très amer de constater que les grandes puissances, frappées dans leurs banques et leurs entreprises financières par le désastre engendré par les spéculations sans frein, voire les escroqueries de leurs héros traders, ne se sont pas vu imposer par le FMI et la Banque Mondiale des Plans d’Ajustements Structurels. Ces fameux plans avaient été sévèrement imposés aux pays sous-développés surendettés, avec les mesures drastiques qui ont étranglé leurs économies et jeté sur la route de l’exil des masses de miséreux, tout cela au nom de la saine gestion. La vertu prêchée par ces saintes institutions est à usage exclusivement des petits et des pauvres, comme on le sait depuis qu’il y a des religions. Celle de la finance ne fait pas exception à la règle.

L’ensemble de la dette des pays sous-développés est de 2800 milliards de dollars. Quand on éponge quelques centaines de millions par ci par là, cela fait l’objet de commentaires extasiés sur la « générosité » des créanciers mais les pays qui en bénéficient doivent en retour offrir à la privatisation les secteurs rentables de leurs services publics. En revanche les USA vont débourser sans barguigner 700 milliards de dollars et les autres pays développés ne seront pas en reste pour parer aux destructions de capitaux qui ruinent en cascade leurs économies. Mais, en contre-partie, il n’y a pas d’assainissement sévère de prévu, comme de supprimer les paradis fiscaux. Plutôt que de reconnaître et de purger les vices du système, on va tout faire pour le sauver avec ses tares, parce que ce système financier mondial n’est pas destiné à favoriser la prospérité de tous les Etats mais à garantir les privilèges exorbitants de quelques uns.

Les guerres, dont la spéculation financière se nourrit et qu’elle alimente ont donc de beaux jours devant elles. L’année 2008 a vu flamber des conflits latents et tout d’abord le plus sanglant d’entre eux, celui qui ne cesse de ravager l’Est du Congo. On a pu parler de guerre du Coltan pour ce conflit interminable dont l’aliment et l’enjeu sont l’exploitation de minerais hautement stratégiques car indispensables à l’industrie des outils de communication. En dix ans, quatre rapports de l’ONU ont dénoncé les acteurs de cette exploitation, sans aucun résultat. La population, soumise à la terreur, se jette sur les routes pour échapper aux travaux forcés, aux viols et aux massacres. Depuis trois mois quelque 250 000 personnes sont venues augmenter le nombre des personnes déplacées à l’intérieur de la RDC, promises à un sort misérable. L’impuissance des 17000 soldats de l’ONU (MONUC) présents en RDC à protéger les populations est un scandale supplémentaire.

Cette inefficacité est due à l’absence de volonté et de cohésion dans la direction des opérations. Elle révèle l’hypocrisie des puissances qui dominent l’ONU. Les décisions vertueuses prises en haut lieu restent lettre morte sur le terrain, où l’on ferme les yeux sur la réalité des trafics et des exactions. Les enfants du Congo continueront cette année à creuser des galeries sommaires, qui s’écrouleront parfois en les ensevelissant, ils remueront des tonnes de terre pour extraire quelques grammes du précieux métal et pour quelques sous. Au dessus d’eux toute une chaîne de spéculation fera se multiplier la richesse de ceux qui tiennent les armes et des multinationales qui négocient, transforment et utilisent cette matière première. La seule véritable urgence c’est de secourir les actions qui baissent.

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