Survie

Incitation à la rébellion

(mis en ligne le 1er février 2009) - Odile Tobner

Défendre sa liberté, ses droits, les droits du peuple et les droits de l’homme, ce n’est plus un droit et un devoir, c’est un délit. La criminalisation de la libre expression et des actions et revendications citoyennes est la réponse donnée par les régimes despotiques en Afrique, mais aussi par l’Etat français particulièrement sur ce qui touche à sa politique africaine.
Au Gabon, Marc Ona Essangui et Georges Mpaga, membre de la coalition « Publiez ce que vous payez », Grégory Nbgwa Mintsa le fonctionnaire gabonais qui s’est constitué partie civile dans la plainte de Transparency international et Sherpa contre trois chefs d’Etat africains, Gaston Asseko directeur technique de la radio Sainte-Marie et le gendarme Jean Poaty ont été détenus pendant plusieurs jours et sont poursuivis pour « détention d’un document en vue de sa diffusion et propagande orale ou écrite en vue de l’incitation à la révolte contre l’autorité de l’Etat ». Il s’agit d’une lettre ouverte à Bongo, de l’opposant en exil Bruno Ben Moubemba, présentant le bilan désastreux du règne de Bongo.
Au Niger, au Sénégal, au Cameroun, entre autres, les arrestations et condamnations de journalistes sont fréquentes. Pour janvier 2009, on note qu’au Niger, Boussada Ben Ali, directeur de publication de l’hebdomadaire indépendant L’Action est arrêté pour avoir publié un article mettant en cause le ministre nigérien de l’Economie et des Finances ; au Sénégal le directeur de publication du quotidien privé 24 Heures Chrono, El Malick Seck, poursuivi pour diffusion de fausses nouvelles est condamné à trois ans de prison ; au Cameroun Lewis Medjo, directeur de publication du journal La Détente libre est condamné également à trois ans de prison pour le même motif, accusations commodes pour qualifier les articles mettant en cause les autorités.
Mais, en France même, l’espace de liberté se rétrécit singulièrement sur certains points particuliers. André Barthélemy, président d’Agir Ensemble pour les Droits de l’Homme, doit comparaître devant la 14ème chambre correctionnelle du Tribunal de Bobigny le 19 février 2009. Il est poursuivi pour « incitation à la rébellion » pour s’être opposé aux conditions violentes de l’expulsion de deux ressortissants congolais à bord d’un vol Air France en partance pour Brazzaville. Le jour des faits, le 16 avril dernier, il avait été débarqué par la force et placé en garde à vue de 12h30 à 21h30 dans les locaux de la Police de l’Air et des Frontières de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle. Il se rendait à Brazzaville en mission pour les droits de l’homme. Il les a rencontrés sur le sol français.
Notre militant de Survie, Emmanuel Cattier, webmaster du site de la CEC (Commission d’enquête citoyenne pour la vérité sur l’implication française dans le génocide au Rwanda en 1994) a été convoqué par la Direction Centrale du Renseignement Intérieur (DCRI) le mercredi 14 janvier 2009. On lui a demandé de supprimer du site de la CEC, un document « confidentiel défense », le rapport du colonel Poncet sur l’opération Amaryllis en avril 1994 au Rwanda, qui était venu à la connaissance de plusieurs journalistes il y a un peu plus d’un an (voir www.survie.org). La publication par les journalistes de documents « confidentiels » tombés entre leurs mains au cours de telle ou telle enquête, est courante. Le canard enchaîné, pour ne citer que lui, s’en fait une spécialité. Cela répond au droit à l’information faisant partie des libertés fondamentales dont on est censé jouir en démocratie. Bizarrement, quant il s’agit de la politique africaine de la France, ce droit subit les plus étroites restrictions.
L’action de Survie contre le recul des libertés et contre la persistance de la répression de l’information en Afrique et sur l’Afrique est plus que jamais nécessaire.

Odile Tobner

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 177 - Février 2009
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