Ainsi donc la Direction Centrale du Renseignement Intérieur (DCRI) a mis plus d’un an avant de réagir à la mise en ligne d’une note classée « confidentiel défense » sur le site de la Commission d’enquête citoyenne (CEC).
Cette note du colonel Henri Poncet, que la DCRI a donc censurée et par la même occasion authentifiée, rendait compte de l´opération Amaryllis, opération d’évacuation des ressortissants étrangers à Kigali (9 au 14 avril 1994) alors que les génocidaires hutus se déchaînaient. Ce rapport (n° 018/3°RPIMa/EM/CD) qu’il adressa, le 27 avril 1994, au chef d’Etat-major des Armées, Jacques Lanxade, fait état du souci de l’armée française « de ne pas leur montrer [aux médias présents sur place] des soldats français limitant l’accès aux centres de regroupement aux seuls étrangers […] ou n’intervenant pas pour faire cesser des massacres dont ils étaient les témoins proches ».
En fait, c’est l’Agence rwandaise d’information (ARI) qui, le 25 janvier 2008, fait état de cette note pour la première fois. L’information sera reprise, deux jours plus tard, notamment par le site d’information Rue 89 et le rapport Poncet sera téléchargé des milliers de fois sur le net rendant illusoire toute tentative d’effacer le document en question.
Alors pourquoi les agents de la DCRI qui (en principe) ne sont pas des perdreaux de l’année ont-t-ils attendu si longtemps pour ouvrir une enquête préliminaire sur la divulgation de cette note ? Les services feraient-ils la chasse aux fuites dans un dossier aussi explosif que celui de l’implication française dans le génocide des Tutsi rwandais ? La DCRI, craint-elle surtout que d’autres notes, d’autres rapports beaucoup plus explicites quant à l’implication française dans le génocide ne sortent des tiroirs ?
Car le contenu de cette note n’était pas si secret. Les témoignages de cette époque sont nombreux pour dénoncer l’attitude des militaires français dans le cadre d’Amaryllis. Cela figure dans nombre de publications sérieuses sur le sujet. On la retrouve d’ailleurs dans…le rapport de la mission d’information parlementaire de 1998 qui, dans sa partie consacrée à l’opération relève : « Les documents recueillis par la Mission concernant les conditions d’exécution de l’opération Amaryllis indiquent, s’agissant des rapports entretenus avec la presse, que les médias ont été très présents dès le deuxième jour de l’opération. Ils précisent que le COMOPS a facilité leur travail en leur faisant deux points de presse quotidiens et en les aidant dans leurs déplacements, mais avec un souci permanent de ne pas leur montrer des soldats français limitant aux seuls étrangers l’accès aux centres de regroupement sur le territoire du Rwanda ou n’intervenant pas pour faire cesser des massacres dont ils étaient les témoins proches. »
Dans tous les cas, cette censure manifeste des autorités françaises apparaît pour ce qu’elle est : une tentative d’entrave claire à la manifestation de la vérité sur le rôle de la France au Rwanda.
RDB