Survie

Sarko : « La France n´a pas à rougir de ce qu´elle a fait »

(mis en ligne le 1er mars 2009) - Raphaël de Benito

Dans une interview récente accordée à la presse congolaise, Nicolas Sarkozy, est revenu sur son discours tenu, le 16 janvier, devant le corps diplomatique français. Certains de ses propos avaient scandalisés les Congolais.

En effet, ceux-ci y avait vu une remise
en question des frontières de la
RDC et une caution au pillage de ses
ressources minières par le Rwanda (Billets
d’Afrique n°177, février 2009
). Sur ces questions,
il s’est montré nettement plus diplomatique,
martelant quelques « principes
sacrés »
pour la France : « La souveraineté
de la RDC, le respect de son intégrité territoriale
et l´intangibilité de ses frontières »

en plus du couplet sur les victimes qui souffrent
depuis trop longtemps notamment à
l’Est du pays.
Mais à la question : « Principale victime
de l´opération Turquoise, la RDC n´est-elle
pas en droit d´espérer un dédommagement
de Paris ? »
, l’empathie pour les victimes a
été vite oubliée : « Il faut regarder la vérité
en face. Il faut reconnaître que les événements
innommables de 1994 ont eu de lourdes
conséquences pour la RDC. La crise qui
frappe l´Est du Congo depuis des années a
des racines historiques. C´est évident. Mais
il faut dire aussi que ni la France, ni la communauté
internationale n´ont été les instigateurs
de l´arrivée des réfugiés hutus rwandais
sur le sol congolais. Ces réfugiés ont
fui leur pays et traversé la frontière de leur
propre initiative. La France a pris le risque
d´intervenir quand personne ne bougeait.
L´opération Turquoise, je le rappelle, a été
conduite sous mandat des Nations unies. La
France, dans cette affaire n´a pas agi seule.
Elle a agi au nom de la communauté internationale
toute entière. La France n´a pas
à rougir de ce qu´elle a fait. Mais, s´il vous
plaît, tournons-nous vers l´avenir. »

Il vaut mieux, en effet, tant la responsabilité
de la France dans cette affaire est lourde. Car
Sarkozy fait là un mensonge éhonté. Sur ce
sujet, voici l’extrait d’une interview donnée
à Billets d’Afrique, par Colette Braeckman,
journaliste belge et fin connaisseur de
la Région des Grands Lacs. Elle nous donne
son sentiment en apprenant, en juin 94, que
la France monte cette opération : « Depuis
le départ, je pense que cette opération est
bidon, d’abord parce que l’essentiel du génocide
a déjà été commis. Deuxièmement,
on voit très vite qu’en fait il s’agit de ménager
une portion du territoire, une « zone
humanitaire sûre », enfin « sûre » pour le
gouvernement intérimaire. Pour retarder la
victoire du FPR et provoquer encore et toujours
une négociation, un partage de pouvoir.
On verra très vite aussi que Turquoise
va ouvrir une porte de sortie vers le Zaïre et
le Kivu pour permettre à ce gouvernement
intérimaire, mais aussi à cette armée, de se
transporter avec armes et bagages.
Le but ? déplacer cette légitimité alléguée,
la mettre dans le pays voisin pour un jour
générer une négociation entre le FPR, en
train de gagner Kigali, et ce pouvoir qui
n’a pas été défait, exilé à l’étranger. J’étais
au Rwanda à l’époque de Turquoise et
on voyait vraiment que les Français indiquaient
la frontière en disant « par ici la
sortie ». Il n’y avait pas la moindre velléité
pour empêcher les tueurs de tuer, la radio
des Mille Collines d’émettre, les ordres
d’être donnés… Il n’y a rien de tout ça,
c’est simplement une régulation du flux de
réfugiés qui se déplaçait vers la frontière
encadrés par les militaires et les miliciens
génocidaires.
Mais ce qu’il faut dire, c’est que le problème
a été transporté dans le pays voisin au
Kivu à la faveur de l’opération Turquoise.
Que les camps de réfugiés se sont installés
avec le soutien du HCR en dépit de toutes
les lois internationales qui interdisent que
des réfugiés soient installés sur la frontière,
que des gens qui ont commis des crimes de
sang aient un statut de réfugiés, soient approvisionnés
par l’aide internationale.
Donc là, il y a un déni total du droit international
et la France a participé à cela
toujours dans la même perspective : obliger
à une négociation entre ce pouvoir intérimaire
« mis en exil » dans les camps de
réfugiés et le nouveau pouvoir en place à
Kigali. »

Rdb

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 178 - Mars 2009
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