Son récent voyage en Afrique a été l’occasion de discours déjà entendus, une resucée maquillant de gimmicks un pragmatisme à visée purement économique. Un peu court pour « casser l’image de la France prédatrice ».
Finalement, Nicolas Sarkozy est un président écolo, un chantre du recyclage. Car voilà qu’à l’occasion de son périple africain express à Kinshasa, Brazzaville et Niamey, il a renoué avec la rupture qu’il appelait de ses voeux dès 2006. Passons sur le trop fameux Discours de Dakar, en 2007, qui se voulait fondateur « d’une nouvelle relation ». En février 2008, en Afrique du Sud, il avait encore jeté les bases d’un nouveau « modèle de relations » franco-africaines, enfin débarrassé des outrances de la « Françafrique ». C’est donc qu’il y en avait ? Bizarrement, il déclarait, cette année au Niger, que la Françafrique était de la « science-fiction ».
Le 26 mars, il s’est encore prononcé, aux côtés de son ami Sassou, un des dirigeants les moins recommandables du continent, pour la « rénovation » de la relation francoafricaine, débarrassée des « pesanteurs du passé » et des « soupçons ». « Nous devons définir ensemble les termes d’une proximité et d’une familiarité renouvelées. Il faut nous débarrasser des pesanteurs du passé (...) qui alimentent trop souvent méfiances et soupçons » et « d’une relation trop souvent caricaturée comme opaque et affairiste », a-t-il déclaré en faisant référence à la Françafrique. C’est bien de le dire, c’est mieux de le faire !
C’est donc une resucée qu’il nous sert, maquillant de gimmicks un pragmatisme à visée purement économique. Il apparaît surtout que la « nouvelle donne » africaine de Nicolas Sarkozy est un énième enterrement en classe business de ses promesses électorales de rupture avec les pratiques condamnables de la Françafrique.
Passons donc à l’essentiel, c’est-à-dire le business. À Kinshasa, plusieurs accords ont été signés entre la France et la République démocratique du Congo (RDC) notamment dans les mines et les transports. Dans les mines, un « accord de coopération entre le ministère des Mines et Areva » prévoyant un partenariat avec la société nationale minière congolaise (Gécamines) pour « l’exploration uranifère sur l’ensemble du territoire congolais » a été signé par Anne Lauvergeon, présidente d’Areva et le ministre des Mines, Martin Kabwelulu Labilo.
Areva en salive déjà : « Cet accord ouvre potentiellement la voie à d’énormes ressources pour Areva. La RDC est un pays minier par excellence avec un potentiel géologique intéressant ». Plusieurs autres projets d’entreprises françaises ont été présentés, le gouvernement congolais s’engageant à créer les conditions favorables pour l’implantation de France Télécom. La ministre du Portefeuille (!), Jeanine Mabunda Lioko, a annoncé que Vinci avait gagné l’appel d’offre pour la réhabilitation de la piste de l’aéroport international de Ndjili à Kinshasa (37 millions d’euros). L’ouverture à plusieurs autres opérateurs français a été mise en avant : Lafarge (ciment), Alstom pour la réhabilitation (encore !) des turbines de la centrale hydro-électrique d’Inga II, Suez et Veolia pour l’eau et l’électricité. C’est Noël avant l’heure !
À Brazza, c’est un coup de pouce supplémentaire qu’a donné notre VRP de président à son ami Bolloré : 29 millions d’euros pour le port de Pointe Noire dont la gestion est assurée depuis peu, par le groupe Bolloré. Ce prêt sur quinze ans accordé par l’Agence française de développement (AFD) doit permettre de mettre en place des superstructures d’exploitation. L’objectif est « de redonner à ce port une compétitivité mondiale au travers de grands travaux », a précisé l’assistant VRP, Alain Joyandet.
Le prêt de l’AFD est une contribution au financement du Programme d’investissements prioritaires (Pip) mis en place par l’État congolais depuis 2006 et d’un montant global de 60 milliards de FCFA (91 millions d’euros) pour le port de Pointe-Noire, considéré comme le plus important en eau profonde dans le Golfe de Guinée. Déjà en avril 2008, l’aide française avait été augmentée de 80 millions d’euros pour atteindre 260 millions d’euros sur cinq ans alors que les experts du Trésor français se seraient contentés de 80 millions. Ces derniers estimaient que le Congo, avec ses revenus pétroliers, n’avait pas besoin de l’obole du contribuable français. Il est vrai, qu’à l’époque, la concession de gestion du port de Pointe Noire n’avait pas été encore attribuée à l’ami Bolloré (Billets d’Afrique n° 169, mai 2008).
Enfin, à Niamey, Sarko a célébré, avec son homologue Mamadou Tandja, la signature du contrat que vient de signer Areva pour l’exploitation, à partir de 2012, de la mine géante d’uranium d’Imouraren, dans le nord du pays. Dans ce contexte, la rencontre programmée avec les membres de la section locale de l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE) au Niger est un effort bien modeste. Les recommandations de l’ITIE regroupant des ONG, des compagnies minières et le gouvernement nigérien ne sont, de toute façon, pas contraignantes. Pis, les ONG trop critiques ont été écartées. Selon Salissou Oubandoma, du Groupe de réflexion sur les industries extractives au Niger (GREN), également membre de l’ITIE, « le gouvernement nigérien avait
une peur bleue que nous jouions les trouble-fête, alors qu’il s’agissait d’exprimer à M. Sarkozy nos préoccupations ». La veille de la visite du président français, le GREN avait critiqué Areva et l’avait appelé à prendre des dispositions pour préserver l’environnement et la santé des riverains des gisements d’uranium qu’elle exploite depuis quarante ans. Un peu court pour « casser l’image de la France prédatrice » selon les propres mots de Sarko.
RDB