Survie

De la continuité dans le changement

(mis en ligne le 1er septembre 2009) - Raphaël de Benito

Paris a fait, paraît-il, profil bas au Gabon et a assuré de sa neutralité à l’occasion de la dernière présidentielle.

« La France regarde cette élection avec beaucoup d’attention », a déclaré le secrétaire d’État à la Coopération, Alain Joyandet en assurant que « la seule chose qu’elle fait dans cette élection, c’est d’aider au déroulement normal des opérations ». Et de bien d’insister pour les « toujours tristes » que « Paris n’avait pas de candidat ». Une position martelée par les responsables français, dont Nicolas Sarkozy, à l’attention également des Gabonais, qui reprochent à la France de soutenir le rejeton d’Omar, Ali Bongo. Une question sensible alors que les Gabonais ont une forte aspiration au changement et vouent aux gémonies cette Françafrique haïe. Comme on n’est jamais trop prudent, la base militaire française de Libreville a été renforcée par un contingent de paras de Pamiers en Ariège, au cas où, bien sûr, des Français seraient la cible de la vindicte populaire. Par ailleurs, la France ne manque jamais de souhaiter la « stabilité » et « le respect des institutions » : « (...) tout ce qu’on vous demande c’est de respecter les institutions pour que les choses se passent le mieux possible dans le respect du choix des Gabonais ». Tant pis si les listes électorales sont douteuses sans possibilité de recours pour les électeurs et s’il existe de multiples violations du droit constitutionnel. La diplomatie française n’a pas de candidats mais précise « qu’aucun candidat n’est hostile aux intérêts de la France », (c’est l’essentiel), « même si Ali Bongo peut apparaître comme l’homme le mieux à même de garantir une stabilité au Gabon ». Faut-il comprendre qu’il est le mieux à même de garantir la stabilité des intérêts français. Quant aux Gabonais, ils sont « stabilisés » dans la misère depuis quarante ans.

Mais voilà, l’action de la France en Afrique a plusieurs dimensions, l’officielle et l’officieuse avec sa diplomatie parallèlle. Or celleci s’est beaucoup démenée cet été, comme au bon vieux temps du clan des Gabonais. D’abord, Robert Bourgi, proche du clan Bongo et conseiller de Sarko qui déclarait en juin soutenir à titre personnel Ali Bongo tout en se targuant d’avoir la « totale confiance de Sarkozy ». Ensuite, dans l’ombre d’Ali, les très actifs hommes d’affaires corses, vieux compagnons de son père, Michel Tomi et André Giacomoni (Lettre du Continent n° 570).

A l’heure où nous bouclons ce numéro, trois candidats se sont déclarés vainqueur. Ali Bongo bien sûr, Pierre Mamboundou (UPG), faussement présenté comme un opposant radical, mais aussi l’ancien ministre de l’Intérieur, André Mba Obame (AMO) et ses conseillers français. Ce dernier, ex-ami intime d’Ali, le « frère jumeau », a été de tous les coups tordus d’Omar Bongo. C’est lui qui a embastillé, l’hiver dernier, les représentants de la société civile qui dénonçaient la coupe réglée du Gabon. Aujourd’hui, il n’hésite pas à user d’une arme nucléaire, l’ethnisme en jouant les Fang (lui-même) contre les Béké (Bongo).

Après la réélection de Sassou au Congo-Brazza, la légitimation du putschiste mauritanien Abdel Aziz, la bienveillance accordée au coup d’État institutionnel de Tandja au Niger, le soutien à peine voilé à Rajoelina à Madagascar, les élections présidentielles gabonaises, l’été 2009 aura été un excellent cru pour la Françafrique donnée pour moribonde. Il sera toujours temps, pour Sarkozy, de décréter l’année 2010, année de l’Afrique : « Ce sera une année dédiée à la fidélité dans l’amitié et la solidarité. Et je souhaite que 2010 signale aussi l’achèvement d’une rénovation profonde de nos relations avec le continent africain ».

Raphaël De Benito

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 183 - Septembre 2009
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