Le siège de l’UMP accueillait, le 17 septembre, une rencontre entre la Mission Afrique 2010 de Jacques Toubon et les militants de l’Union pour la Diversité
Républicaine (UDR). Billets d’Afrique était présent.
L’« UDR », (un hommage à l’ancêtre
du RPR ?), composante de l’UMP
qui se présente comme « le mouvement
fédérateur mais aussi fondateur de
la participation des franco-africains de
toutes origines à l’action de l’UMP depuis
2002 », est présidée par Séga Doucouré,
autoproclamé « ami de toujours »
de Jacques Toubon. Elle s’est également
attachée les services de trois présidents
d’honneur, Olivier Stirn, Simone Veil et
Pierre Gény, récemment nommé Secrétaire
perpétuel de l’Académie des Sciences
d’outre-mer (ex-Académie des Sciences
coloniales).
La petite salle du siège de l’UMP accueillait
difficilement la grosse centaine
de militants venus l’écouter présenter la
façon dont il prétend mettre en musique
« l’idée et la volonté du président de
la république Nicolas Sarkozy, d’utiliser
cette célébration du cinquantenaire
des indépendances comme un levier, comme un tremplin pour
assumer, réaffirmer, clarifier,
renouveler et prolonger,
reconstruire pour
l’avenir ce lien spécifique,
privilégié et on peut même
le dire, unique » entre la
France et ses anciennes
colonies.
L’ancien président du très
françafricain Club 89 a
ainsi rappelé que la France
avait « contribué à une
décolonisation qui s’est
faite sans coup férir » (les
victimes de la répression
pré et post-coloniale apprécieront,
au Cameroun,
à Madagascar, au Tchad, etc...), évoquant
« une décolonisation qui s’est
faite (…) par consentement mutuel »
et une « indépendance pleine et entière
d’états souverains, secondés par
la France, à ce moment-là, et soutenus
par elle tout au long de ces cinquante
années » ; et quel soutien ! Un soutien
marqué sans aucun doute par « le lien
historique, affectif, unique à beaucoup
d’égards, qui existe entre l’Afrique
sub-saharienne et la France »...
Ainsi, la mission officielle de Jacques
Toubon, le « secrétariat général du cinquantenaire
des indépendances africaines
en 2010 », qui n’est pas sans rappeler le
secrétariat général pour les affaires africaines
et malgaches de Jacques Foccart,
se veut « une grande opération de rapprochement,
de rassemblement », « une pierre
de fondation, en 2010, d’une nouvelle
maison franco-africaine ». Et non une
simple « opération folklorique pour faire
plaisir aux uns et aux autres », précise-til.
Les objectifs recherchés se classent en 3
volets, « la réaffirmation, la clarification
et le renouvellement de la France et l’Afrique,
au plus haut niveau (...), c’est-à-dire
sur le plan diplomatique, militaire, économique
», « la mise en valeur, en particulier
à l’attention de la jeunesse, de notre histoire
partagée et notre culture commune »,
« la mise en valeur du rôle et la place des
africains dans notre pays », en abordant
notamment « la politique d’immigration,
(...) la politique des visas » (manque de
chance, le ministre des expulsions Eric
Besson, pourtant annoncé, n’a pas pu être
présent...)
2010 doit ainsi être « une année de renouvellement,
de réformes, et d’accomplissements
dans tous ces domaines qui concernent
au plus haut niveau les relations entre
la France et tous les états concernés ». Il
est vrai que, comme l’a rappelé Rémi Maréchaux,
un des conseillers de Sarkozy,
« l’actualité récente [montre] que les liens
étroits entre la France et l’Afrique n’ont
pas toujours une connotation positive »...
C’est donc à une vaste opération de communication
que nous prépare l’ancien ministre
de la culture, visant à reconnaître « les heures
sombres », voire même « que les gens qui
ont colonisé le Congo à l’époque ont fait des
tas de choses qui étaient absolument épouvantables,
que les grandes concessions ont
traité les gens comme des esclaves etc... »,
mais aussi et surtout « les heures claires »,
et comment les colonisateurs ont « porté au
monde en quelque sorte, toute une partie de
la planète qui n’existait pas jusque là ». Une
opération de communication avec son habillage
de concertation, en invitant la société
civile à entrer dans les sommets France-Afrique.
Et avec son temps fort, un « 14 juillet
franco-africain, avec les chefs d’états, avec
les détachements militaires, dans le défilé,
de tous les pays » afin de célébrer « le souvenir
de tous ces soldats noirs qui sont venus
se battre ».
Jacques Toubon entend ainsi nous présenter
une histoire « beaucoup plus complexe
et beaucoup plus riche que simplement une
histoire simpliste de dominant et de dominés
», prétextant de la complexité pour
ne pas reconnaître l’immense responsabilité
historique de la France, tant pendant la
période coloniale que durant les cinquante
dernières années. Il ne cache même pas sa
volonté de brandir ainsi les aspects positifs
de la colonisation, qu’il entend démontrer
« de manière totalement décomplexée »,
comptant pour cela « faire sortir toutes
les archives sonores, les archives d’images
qui racontent l’histoire avant 1960 et
après 1960 »... chiche qu’on lui suggère
de sortir aussi les documents classifiés secret-
défense ?
On imagine les raisons de cette grande
opération publicitaire, dans la droite ligne
de la politique de communication
élyséenne. Mais on peut se demander :
pourquoi Toubon ? La Lettre du Continent
parie actuellement sur le retour de
Bockel à la coopération... Et s’il fallait
plutôt se préparer à l’intronisation de
Toubon, dûment introduit par cette opération
de blanchiment politique ? Comme
l’a dit le même jour l’ambassadeur
du Burkina Faso, c’est « un ministre
que nous aimons bien, en Afrique »...
Alice Primo
Quand Toubon tape en touche...
Le public, pourtant trié sur le volet par les militants de l’UDR n’a pu poser que deux
questions : « Est-ce que le président Sarkozy soutient l’action du chef de l’état ivoirien
? », question qualifiée de hors-sujet et restée sans réponse.
« Les cinquante ans qu’on va fêter... qu’est-ce que nous allons fêter ? Je ne peux pas
balayer d’un revers de main une politique de 50 ans, je ne peux pas applaudir non
plus des deux mains cette politique d’ingérence qui a été faite par les pays européens,
cette politique de la françafrique, cette politique du franc CFA... cinquante
ans après, un enfant qui n’a pas grandi, je pense que c’est qu’il y a quelque chose
ne va pas.. Cette politique des bases militaires qui sont toujours en Afrique... Monsieur
Toubon, quand vous allez réaffirmer votre confiance, votre collaboration avec
les pays d’Afrique, j’espère que vous allez poser cette question qui mine l’Afrique
actuellement ». Mais comme l’a répondu Jacques Toubon, il n’était pas question de
« faire ici ce soir les débats de fonds qu’appellent toutes ces questions », il faudra
pour cela attendre 2010...