Survie

« L’or d’Ali Bongo »

(mis en ligne le 1er décembre 2009) - Raphaël de Benito

L’information est passé
inaperçue début novembre :
la condamnation à quatre
ans de prison ferme et à
50 000 euros d’amende
d’un pied nickelé de la
françafrique, Olivier Bazin.

L’affaire remonte à l’été 2002. Selon
l’accusation, Olivier Bazin, fils
d’un gros chef d’entreprise du BTP
de Vienne (Isère), consultant pour certains
mais surtout mercenaire et « aventurier du
jeu africain »
(La lettre du continent, 29 mai
2003), se disait « mandaté par Ali Bongo
pour vendre d’importantes quantités d’or »
.
Il avait alors organisé des transactions à Paris
durant lesquelles de l’or était échangé
contre des espèces, par l’intermédiaire d’un
avocat, Stéphane Boulin (Billets d’Afrique,
novembre 2004).

Au cours de la procédure, Bazin a reconnu
avoir organisé une demi-douzaine de transactions,
chacune d’un montant de 100 000
euros contre 10 kg d’or, avec une commission
de 5% à Me Boulin. A deux reprises,
ces transactions ont dérapé. Les acheteurs,
hommes d’affaires et industriels parisiens, se
voyant dévalisés en sortant du cabinet de Me
Boulin et quelques jours plus tard, dans le
cabinet d’un autre avocat, Me Guillaume Rebut.
Si Bazin a toujours nié le vol, le tribunal
correctionnel de Paris a jugé ses dénégations
« bien peu convaincantes » et son implication
parfaitement « établie ». Son complice,
Pascal Peyrac, a été condamné à 30 mois ferme,
assortis également d’un mandat d’arrêt,
tandis Me Boulin est rayé du barreau. Durant
un temps, les enquêteurs avaient pensé qu’
Olivier Bazin avait cherché à doubler la famille
Bongo, en gardant l’argent des transactions
pour lui avec l’aide d’hommes de
main. Curieusement, cette piste n’a pas été
évoquée à l’audience. Autre bizarrerie, le
tribunal s’est montré très peu curieux sur la
provenance de l’or, jugeant qu’il « importait
peu de savoir si l’or objet des transactions a
ou non existé »
(AFP, 4 novembre).

« Colonel Mario »

Bazin alias « Colonel Mario » n’est pas
tout à fait un inconnu dans le marigot françafricain.
Familier du pouvoir tchadien, il
cogérait à N’Djaména un casino et deux
boîtes de nuit. Il a passé une bonne partie
du printemps 2003 à Bangui, dans le sillage
des troupes tchadiennes qui ont permis au
général Bozizé de renverser Patassé : il était
chargé d’obtenir pour le clan Déby des places
dans les filières du diamant et du bois
centrafricain. Échec. Ces places-là étaient
trop bien tenues. Bazin est donc reparti, via
Paris, « en compagnie de deux diamantaires
d’Anvers »
(Billets d’Afrique, juillet 2003).
En 2007, on le retrouve dans l’affaire du
vrai/faux coup d’État au Cameroun avec
Robert Dulas, employé de la société militaire
privée Secopex, ex-conseiller spécial
de Robert Gueï en 2000, chargé des Affaires
étrangères du président ivoirien, dans le cadre
d’une affaire de soi-disant coup d’État,
basée sur les salaires exorbitants de certains
militaires. Sur le fond, il semble que l’affaire
soit liée à une lutte autour d’un pactole lié à
une vente « légale » d’armes destinées à la
douane camerounaise.

En 2007, c’est dans l’affaire du cercle de jeux
parisien Concorde que le nom de Bazin est
cité. « Cette affaire, où se côtoient la finance
prédatrice et le grand banditisme, révèle les
agissements de toute une faune pittoresque
 : du paisible retraité, Roland Cassonne qui,
dans sa somptueuse propriété provençale,
tond sa pelouse avec un gilet pare-balle et
un pistolet chargé à la ceinture, au monsieur
sans histoire, Marcel Ciappa, hospitalisé
pour une fracture, exécuté par deux
faux médecins, en passant par le banquier
suisse, François Rouge – cela ne s’invente
pas – acquéreur de la banque de la loge P2,
l’ex-gendarme hâbleur du GIGN, vedette
des médias, Paul Barril soi-même et enfin
le cerveau, directeur artistique d’établissements
de jeux et de restauration, Paul Lantieri,
en fuite. Rajoutons la fusillade contre
des caïds arabes dans un bar marseillais et
d’autres ingrédients dont on trouverait l’accumulation
caricaturale dans un scénario.
La réalité dépasse la fiction »
(Billets d’Afrique
n°165, janvier 2008). D’après la justice,
l’un des clans du Cercle, le couple Paul Lantiéri-
François Rouge, avait fait appel à Bazin
et Barril pour menacer leurs rivaux qui les
avaient évincés de la gestion de la « poule aux
oeufs d’or
 ». Olivier Bazin lors de son audition
de première comparution : « J’ai proposé
à Rouge de m’occuper de ses problèmes au
cercle pour obtenir son entremise dans des
opérations avec l’Angola »
, (Backchich Info).

En novembre 2007, François Rouge emmène
Bazin dans ses bagages rencontrer le ministre
angolais du pétrole à Dubaï, en compagnie de
Jack Sigolet, un des miraculés de l’affaire Elf,
ancien bras droit d’André Tarallo, le fameux
Monsieur Afrique du groupe pétrolier.

RDB

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 186 - Décembre 2009
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