Survie

Togo : l’opposition a-t-elle un boulevard devant elle ?

(mis en ligne le 4 février 2010) - Comi Toulabor

Photographie de la scène politique togolaise à quelques semaines de la présidentielle. Une candidature unique de l’opposition est encore possible.

Faure
Gnassimbé
en campagne
électorale s’est
métamorphosé
en un véritable
DAB (distributeur
automatique de
billets) ambulant
crachant des billets
de banque.
Il s’affiche aussi
sur des sacs de
riz, importés
récemment, et
commercialisés au
prix symbolique
de 2 010 F CFA :
« Le riz, c’est mon
Faure ! »

Le retrait de l’opposant historique, Gilchrist Olympio, de la compétition à la présidentielle est perçu comme un bol d’oxygène pour l’opposition enfin libérée de son joug et aussi pour Paris (Elysée et Quai d’Orsay) hostile à sa candidature. Pour l’opposition le boulevard ouvert par ce retrait n’a pas résolu pour autant le délicat problème de désignation de la candidature unique, condition nécessaire mais non suffisante, pour battre le président sortant Faure Gnassingbé. Après avoir un temps misé sur le franco-togolais Kofi Yamgnane, Paris a remballé ses prétentions et semble désormais disposé à soutenir un autre candidat issu de l’opposition au regard des rapports de force électorale qui ne sont pas en faveur du « Breton d’après la marée noire ». Si Paris a donc trouvé solution au problème résultant du mot d’ordre « TSO : Tout sauf Olympio » partagé dans l’ensemble de l’opposition, celle-ci continue, à moins d’un mois de l’échéance, à se chamailler dans le starting-block avec au moins six candidats, si on exclut Nicolas Lawson, soupçonné de rouler pour son sauveur Faure Gnassingbé à qui il doit sa libération de prison au Ghana à la suite d’une sombre affaire de sous difficile à comprendre pour le commun des mortels.

Une solution à la candidature unique est possible

A la lumière des présidentielles passées (2003 et 2005) et celle du Gabon qui a porté Ali Bongo au pouvoir, l’opposition est pertinemment consciente que présenter plusieurs candidats à un scrutin à un tour est suicidaire et que cela ne peut que faciliter les manœuvres de fraude dans lesquelles Faure est aussi fort que son père. Si les leaders de l’opposition arrivent à surmonter leur ego surdimensionné sans rapport avec leur poids politique et électoral réel et à faire preuve de modestie et d’intelligence, les conciliabules initiés récemment devraient aboutir à un ou deux scénarios réalistes sans aller dans les détails. Le premier serait de confier à Kofi Yamgnane le poste de Premier ministre dans un ticket avec le candidat de l’UFC Jean-Pierre Fabre, et la présidence de l’Assemblée nationale à Yawovi Agboyibor du CAR. Dans le deuxième scénario, si Kofi Yamgnane, se voyant déjà installé dans le fauteuil présidentiel, refuse la primature, Jean-Pierre Fabre pourra se retourner vers l’ancien ministre de l’Intérieur, François Boko, pour former ce tandem.

Le rassemblement autour de la candidature de Jean-Pierre Fabre a l’avantage d’apporter l’important électorat de l’UFC dans la corbeille de l’union. Secrétaire général du parti depuis des années, homme de terrain et d’action, il connaît le parti du bout des doigts sur l’ensemble du territoire. Il sait écouter, travailler en équipe ; il a de bons contacts avec les autres leaders de l’opposition et a une intelligence politique que ne possède pas son patron Gilchrist Olympio. On lui reproche d’être un piètre orateur, ce qui n’est pas rédhibitoire. Dans les deux scénarios proposés, en prenant en compte le facteur « ethnorégional » dans le vote, Kofi Yamganane pourra rassurer l’électorat de la partie septentrionale du pays dont il est originaire et surtout mettre ses expériences politique et ministérielle acquises en France au service d’un gouvernement de transition. Son pays d’adoption, la France, est dans de bonnes dispositions de le voir installer à la primature plutôt qu’à la présidence. En plus des valeurs ajoutées qu’incarne Kofi Yamgnane, François Boko a l’immense avantage de sortir du sérail RPT, d’être un officier supérieur de l’armée et kabyè, trois entités (RPT, militaire et ethnie) qui constituent la racine pivotante pouvoir du clan Gnassingbé dont il saura comment les bousculer les positions afin de mettre en place des institutions fortes et stables qui font défaut.

Le boulevard est dégagé pour l’opposition pour l’alternance, toutefois le chemin qui y mène est un labyrinthe dont elle tient quand même le fil d’Ariane. D’autant que Gilchrist Olympio continue à semer la zizanie au sein de son parti en introduisant de nouveau sa candidature, incomplète et hors délai, que vient de rejeter la CENI. Il a tout intérêt devant l’Histoire à sortir par la grande porte en adoubant officiellement son secrétaire général et en faisant campagne pour lui. D’autant que la communauté internationale et la France font encore dans l’ambiguïté révoltante comme lors des législatives d’octobre 2007.

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 188 - Février 2010
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