Survie

Bozizé, un si bel exemple

(mis en ligne le 1er mars 2010) - Raphaël de Benito

À quelques semaines de
l’élection présidentielle
centrafricaine prévue
normalement ce printemps
2010, l’ambassadeur de
France à Bangui, Jean-
Pierre Vidon, joue « les
fatals flatteurs » et encense
le président centrafricain
François Bozizé.

Après le Niger et la Namibie, la République
centrafricaine est l’autre terrain
de chasse d’Areva. Malgré les
fanfaronnades de Patrick Balkany qui se targue
d’être l’intermédiaire entre grandes entreprises
françaises et chefs d’Etat africains,
«  j’ai aidé Areva à régler son litige avec le
président Bozizé
 » (Le Canard Enchaîné,
3 février), la multinationale du nucléaire
s’embourbe mois après mois. Sans doute
Areva n’a pas suffisamment mis la main à
la poche, ce qui fait dire à Africa Mining
Intelligence (23 février 2010) que «  la
mise en exploitation prévue cette année
du gisement uranifère de Bakouma par
Areva paraît s’éloigner
 ».

C’est aussi sans doute pour mettre de l’huile
dans les rouages que l’ambassadeur de
France, Jean-Pierre Vidon, complimente
outrageusement Bozizé, parvenu au pouvoir
en 2003 à l’issue d’un putsch. Backchich.info revèle le contenu d’un télégramme diplomatique
du 14 janvier tout à la gloire de
l’ex-« chef d’état-major des armées [qui] se
résout à prendre le pouvoir par les armes
 »
après quoi « il promet de rendre le pouvoir
aux civils
 ». Seules des manifestations massives
« encore jamais vues à Bangui » l’ont
convaincu « de revenir sur sa promesse initiale
de ne pas se présenter
 ». « La situation
politique s’est apaisée (…) tandis que la situation
sociale et sécuritaire considérablement
amélioré
 ». Une « situation sécuritaire
 » assurée à plusieurs reprises par l’armée
française, la dernière intervention datant de
2009. Celle-ci n’a, en revanche, rien pu faire
pour le président franco-centrafricain de la
Ligue des droits de l’homme (LDH), maître
Goungaye, mort en décembre 2008 dans un
accident si suspect que les autorités ont voulu
l’enterrer précipitamment sans autopsie.
Nganatouwa Goungaye Wanfiyo travaillait
à collecter des témoignages pour la Cour
pénale Internationale (CPI) dans le dossier
Jean-Pierre Bemba.

Et afin de souligner la clairvoyance inouïe
de l’ambassadeur de France, voici le contenu
d’une note de synthèse de l’International
Crisis Group datée du 12 janvier 2010 :
« L’échec du président François Bozizé et
de son entourage à concrétiser les engagements
pris lors du Dialogue politique inclusif
en décembre 2008 risque d’aggraver la
situation sécuritaire en République centrafricaine
(RCA) et provoquer l’écroulement
du processus de réconciliation nationale.
Ces pourparlers ont utilement contribué à
une réduction du niveau de violence et permis
la programmation de réformes structurelles
de long terme. Afin de s’assurer que
ces gains ne soient pas réduits à néant par
une nouvelle crise, le président doit abandonner
l’intransigeance dont il a fait preuve
pendant la majeure partie de 2009, et le gouvernement
doit impérativement résoudre les
nouveaux conflits dans le Nord-Est et préparer
des élections crédibles. (…) Depuis
le coup d’Etat de François Bozizé en mars
2003, la RCA s’est montrée incapable de
briser le cercle vicieux entretenant conflit
et pauvreté dont elle souffre depuis si longtemps.
(…) Ayant apparemment jugé que la
tenue des pourparlers lui donnait suffisamment
de légitimité, en particulier vis-à-vis
des bailleurs, François Bozizé a choisi de
former un gouvernement aussi inféodé à son
pouvoir que son prédécesseur et a fait modifier
unilatéralement la loi électorale, pour
favoriser sa réélection. (…)

Toutes les parties présentes aux négociations
avaient convenu qu’une profonde réforme
du secteur de la sécurité (RSS) était indispensable
pour donner à l’Etat les moyens de
protéger sa population.(..). Le régime Bozizé
semble trop soucieux du sort que lui réserveront
les prochaines élections et trop peu
concerné de ce qui se passe en dehors de la
capitale, Bangui, pour investir le temps et
les efforts nécessaires à la stabilisation du
pays. Tant que le gouvernement continuera
à ne pas respecter l’esprit et la méthode du
consensus qui ont caractérisé le dialogue inclusif,
et tant qu’il maintiendra son refus de
changer son mode actuel de gouvernance, la
reforme du secteur de la sécurité demeurera
bloquée et le manque de sécurité continuera
d’entraver les efforts menés pour rétablir
l’autorité de l’Etat et la tenue d’élections
transparentes et crédibles. »

Raphael De Benito

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 189 - Mars 2010
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