Instauré en 1973 par Pompidou, les sommets France Afrique se suivent et se ressemblent pour y promouvoir de « nouveaux partenariats » ou « une meilleure gouvernance ». Le 25e du nom à Nice n’a pas dérogé à la tradition.
En 1990, le sommet de la Baule fait parler de lui quand François Mitterrand fait le lien entre démocratie et développement. Il y déclare que l’aide française sera plus « tiède » pour les régimes autoritaires et « enthousiaste » envers ceux qui s’ouvriront à la démocratie.
En 1994, la réunion de Biarritz (Survie y organisait d’ailleurs son premier contre-sommet) intervient après deux événements majeurs : la dévaluation du franc CFA et le génocide au Rwanda, donnant lieu à de violentes critiques quant au rôle de la France dans ce pays.
En 1996, Jacques Chirac succède à Mitterrand pour son premier sommet à Ouagadougou. Jacques Chirac y recycle le discours de la Baule déclarant que seule « la bonne gouvernance » permet un « développement durable ». Il soutiendra pourtant, souvent de manière caricaturale, toutes les réélections frauduleuses des dinosaures de la Françafrique, du Gabon au Togo, du Congo Brazza à Djibouti, où le juge Borrel était assassiné un an plus tôt…
En 2003, retour à Paris pour un sommet officiellement consacré aux « nouveaux partenariats entre l’Afrique et la France ». Déjà ! La rencontre, tendue, porte essentiellement sur la crise en Côte d’Ivoire.
En 2007, c’est le dernier sommet de Jacques Chirac à Cannes. Sans rire, Chirac enjoint les puissances occidentales à penser aux intérêts de l’Afrique.
Nous voilà donc, en 2010, à Nice, trois ans après l’élection de Nicolas Sarkozy.
Idriss Déby, sauvé par l’armée française d’une attaque rebelle en 2008, Guelleh, Bozizé et Sassou Nguesso sont toujours au pouvoir, les fistons Eyadema et Bongo ont succédés à leur père à la suite d’élections aussi transparentes que la communication d’une cimenterie albanaise.
La Mauritanie et Madagascar subissent, en 2009, un énième coup d’Etat avec la bienveillance de Paris. Quant à Jean-Marie Bockel, il fleurit les tombes des anciens combattants après son limogeage du secrétariat d’Etat à la Coopération. Le malheureux avait souhaité l’enterrement de la Françafrique. Les conseillers officieux comme Bourgi ou affairistes comme Balkany sillonnent toujours le continent et les affaires africaines sont supervisées par le Premier ministre bis, Claude Guéant.
Mais le contexte est de plus en plus difficile alors que la dénonciation de la Françafrique gagnent les esprits. C’est donc devenu une figure imposée : Sarkozy répète à qui veut l’entendre que l’ère des soutiens aux régimes dictatoriaux et corrompus, des chasses gardées commerciales et de la diplomatie parallèle de la France est révolue.
Sarkozy a également proclamé sa volonté de rompre avec l’image d’une France pilleuse des richesses minières ou pétrolières de l’Afrique. Et si l’Elysée a beau souligner que « le commerce avec l’Afrique n’est pas vital pour les entreprises françaises », il se contredit aussitôt en estimant que l’Afrique et ses ressources considérables, sont « la principale réserve de croissance de l’économie mondiale pour les décennies à venir ».
Il a d’ailleurs ouvert le sommet aux dirigeants d’entreprises aussi désintéressés par l’Afrique qu’Areva ou l’ami Bolloré.
Alors, dans une vaste opération de communication politique, Nicolas Sarkozy fait croire qu’il a modifié le casting de ce premier sommet francoafricain en invitant les poids lourds politiques du continent, l’Afrique du Sud et le Nigéria anglophone, pourtant déjà présent en 1996.
Le secrétaire d’Etat à la Coopération, Alain Joyandet est hésitant : « Nice sera le sommet du renouveau, une espèce de lancement d’une nouvelle période ». Une « espèce » de renouveau qui a ses limites puisque le 14 juillet, il y aura un deuxième sommet, qualifié de « familial » par Sarkozy. Le naturel revenant au galop avec un tête-à-tête entre Paris et ses anciennes colonies. Au moins, on ne risque pas les déclarations désagréables comme celle du président sud-africain Jacob Zuma regrettant que la France octroie une forme de « reconnaissance » aux auteurs de coups d’Etat en Afrique, en ayant invité les dirigeants de Guinée et du Niger « parce que s’ils sont reconnus ici au même niveau pratiquement que les autres chefs d’Etat, cela pose un problème pour l’Afrique ».
Autre sujet délicat : la place de l’Afrique dans la « gouvernance mondiale », vieille carotte agitée depuis plus d’une décennie par la France, autoproclamée avocate de l’Afrique. Pour Sarkozy, « il faut être prêt à faire une place à l’Afrique dans la gouvernance mondiale (...) Aucun, absolument aucun des grands problèmes auxquels notre monde est confronté ne pourra trouver de solution sans la participation active du continent africain ».
Pis : « Selon plusieurs diplomates africains [tanzanien et sud-africains], la discussion a été « houleuse », parfois « très dure ». Certains ont mis en cause la légitimité de la France à lancer ce débat », (AFP, 31 mai).
Enfin, Nicolas Sarkozy a évoqué aussi les crises institutionnelles en Afrique, soulignant que le « déficit de démocratie et des violations des Droits de l’homme alimentent les violences et l’instabilité ».
Ça ne vous rappelle rien ?