Sans surprise, l’Assemblée
a adopté le 12 juillet, en
catimini, la loi censée
adapter le droit français aux
statuts de la Cour pénale
internationale. Sans revenir
sur aucune des clauses
de cette loi, la rendant
inoffensive dans la pratique.
Dans son numéro estival,Billets
d’Afrique (n°193) dénonçait les
positions défendues par la France
et l’issue probable du congrès de révision de
la Cour pénale internationale (CPI) qui s’est
tenu à Kampala (Ouganda). Début juillet,
les conclusions finales ont été rendues dans
lesquelles figurait la fameuse clause soutenue
par le gouvernement français, qui permet à
un pays de soustraire temporairement ses
citoyens de la justice internationale pour les
actes de crimes de guerre. Plusieurs Etats
européens s’attendaient à la suppression de
cette clause. Mais, au nom du consensus
général, elle a finalement été maintenue,
et même prolongée pour cinq années
supplémentaires.
Sans surprise, l’Assemblée nationale (ou du
moins une poignée de députés) a adopté la
loi censée adapter le droit français aux statuts
de la Cour pénale internationale. La poignée
de députés présents dans un hémicycle déjà
en vacances n’a pas jugé utile de revenir sur
les clauses qui, dans la pratique, rendront
cette loi inoffensive : les criminels contre
l’humanité ne pourront être poursuivis que
sur l’initiative du parquet, uniquement si leur
résidence « habituelle » est située en France,
sous réserve que les crimes commis soient
punissables par la législation du pays où ils
ont été commis et à condition que la CPI ait
abdiqué sa compétence (ce qui est l’exact
inverse du principe de complémentarité
prévu par le statut de Rome : la CPI n’entrant
en jeu qu’en cas de défaillance des Etats).
Enfin le principe de prescription des crimes
de guerre a été maintenu, contrairement
au droit international, même si la durée de
prescription a été portée à trente ans au lieu
de dix avant le vote de la loi. En janvier
dernier, Michèle Alliot-Marie et Bernard
Kouchner s’indignaient de concert
dans une tribune au monde : « Quel
plus grand scandale que l’impunité des
criminels contre l’humanité ? Quel plus
grand outrage pour les victimes et, au-
delà, pour l’humanité tout entière ? » On
ne le leur fait pas dire.
En attendant la décision du Conseil
constitutionnel, saisi par plus d’une
centaine de députés et sénateurs sur
la constitutionnalité de cette loi, la
France devient légalement une terre
d’impunité pour criminels de guerre et
criminels contre l’humanité. Ce qui,
malheureusement, ne change pas grand-
chose dans les faits puisque bon nombre
de génocidaires hutus rwandais y ont
trouvé refuge de longues années sans être
inquiétés. On se souvient également, en
2002, de l’intervention de Dominique de
Villepin en pleine nuit, pour soustraire
à la justice française le général Norbert
Dabira, impliqué dans les massacres du
Beach au Congo-Brazza.