Dans un livre d’entretiens
conduit par le journaliste
Jean-François Dupaquier,
l’ex-espion rwandais
Richard Mugenzi, raconte
comment un groupe
d’officiers extrémistes hutus
avait méticuleusement
préparé, à partir de 1992,
la destruction des Tutsis du
Rwanda
Par-delà le terrible bilan humain
du génocide des Tutsis et du
massacre politique des Hutus
démocrates au Rwanda en 1994
(environ un million de tués), les
polémiques n’ont cessé d’enfler.
On compte deux principaux sujets
de discorde. Le premier porte sur
l’identité de ceux qui ont abattu l’avion
Falcon 50 du président Habyarimana,
le 6 avril 1994, attentat qui a servi
de déclencheur à l’extermination des
Tutsis du Rwanda.
Le second tourne autour de la
qualification même de génocide. Entre
les tenants de la thèse du « double
génocide » et ceux qui incriminent
une « colère populaire spontanée,
incontrôlable », la galaxie négationniste
est large et le débat souvent virulent.
Le nouveau livre de Jean-François
Dupaquier, « L’agenda du génocide » risque de bousculer nombre d’idées
reçues et d’affirmations péremptoires
car il apporte une série de révélations
sur les deux sujets de discorde. Le
journaliste a conduit une longue
interview de Richard Mugenzi, ex-espion
rwandais, qui se trouvait au
coeur du « dispositif génocidaire ».
Installé dès 1990 dans le centre
militaire secret de Butotori, à l’extrême
nord-ouest du Rwanda, Richard
Mugenzi est chargé d’écouter les
communications radio des rebelles du
Front patriotique rwandais (FPR), mais
surtout de distiller un flot de fausses
interceptions radio pour discréditer la
rébellion et pour radicaliser les Forces
armées rwandaises (FAR) qui peinent
à contenir la poussée
rebelle.
Richard Mugenzi
a été formé par des
militaires français
de « l’Opération
Noroît » expédiés
au Rwanda par le
président François
Mitterrand pour
consolider le régime
de son ami
Habyarimana.
Le rôle de ces
forces spéciales
françaises demeure,
jusqu’aujourd’hui
plutôt obscur, mais
les révélations
(fragmentaires) de
Richard Mugenzi
ne feront pas
plaisir à certains
gradés français. Le
pire est constitué
par les quatre faux
télégrammes du
7 avril 1994 dans
lesquels le FPR
« revendique »
l’attentat contre
H a b y a r i m a n a .
Richard Mugenzi révèle qu’il s’agissait
de faux grossiers. A l’issue de ses
explications, le lecteur s’interroge
sur la naïveté de l’équipe du juge
Jean-Louis Bruguière, qui avait fait
de ces télégrammes truqués l’alpha
et l’oméga d’une instruction à charge
contre le FPR.
Mais « L’Agenda du génocide » est un
livre qui pose bien d’autres questions.
En le refermant, on mesure avec
inquiétude à quel point les opinions
publiques, aussi bien en France qu’au
Rwanda, ont été désinformées sur
l’enjeu de la guerre civile rwandaise.
Et
sur ses conséquences calamiteuses : le
régime de François Mitterrand est plus
que jamais accusé d’avoir soufflé sur
les braises de l’un des trois génocides
du XXe siècle, ce n’est pas rien…
L’Agenda du génocide. La déclaration de
Richard Mugenzi, ex-espion rwandais.
Ed. Karthala, Paris, 29 euros.