Quelles sont donc les raisons
qui ont conduit l’écrivain et
journaliste Francis Gillery à
réaliser un film documentaire sur l’affaire
Borrel ? Une question qui n’est pas si
saugrenue pour un film dont le titre est déjà
si ambigüe « La légende du juge Borrel ».
Une « contre-enquête » qui met surtout en
relief les piètres qualités d’investigateur
de Gillery.
Celui-ci choisit délibérément la thèse de
l’assassinat crapuleux franco-français
en mettant grossièrement en avant la
pédophilie existant à Djibouti. Il essaie d’y
relier Bernard Borrel à titre professionnel
comme personnel.
Son premier témoin, abusé par un ancien
conseiller français du président Aptidon
(1977 à 1999) Claude Sapkas-Keller, par
ailleurs ami de Bernard Borrel, explique
seulement qu’on le payait plus cher pour
qu’il parte sans rencontrer ce dernier. Au
côté de ce premier, un de ses amis, attentif,
qui dit qu’il n’était pas là lui-même.
Mais qu’apporte alors ce « double »
témoignage à sa démonstration ?
Son deuxième témoin, Bruno Mercier,
un ancien para et des renseignements
militaires (Direction de la Protection et de
la Sécurité de la Défense), auteur du livre
« La mafia française, ses méthodes, ses
réseaux » explique les mécanismes utilisés
au Cambodge par des Français ayant fuit
Djibouti en 1995 pour compromettre
journalistes et coopérants. Mais il suppose
davantage qu’il ne prouve…
En d’autres termes, rien d’autres que des
suppositions et une suspicion gratuite qui
n’est pas étayée ; Gillery prend la posture
curieuse de celui-ci qui touche à la vérité
sans apporter ni fait ni éléments que l’on
ne connaisse déjà.
Gillery utilise également le témoignage
de la juge d’instruction Marie-Paule
Morrachini qui s’était vue dessaisie de
l’affaire en juin 2000 pour avoir organisé,
à Djibouti, une reconstitution en l’absence
de la partie civile. Aujourd’hui elle cherche
à décrédibiliser le témoin principal qui met
en cause l’actuel chef d’Etat djiboutien,
Ismaël Omar Guelleh. Morrachini persistait
même en mars 2009, à la barre
du procès en appel de deux dignitaires
djiboutiens, dont Djama Souleiman le
procureur général de Djibouti, accusés
de subordination du témoin principal de
l’assassinat du juge Borrel, à soutenir
qu’elle était toujours convaincue de la
thèse du suicide : « Quand j’ai découvert
l’endroit où le corps du juge avait été
retrouvé, j’ai compris que ce n’était pas
un lieu pour se faire tuer, mais un lieu
pour se suicider ».
Par ailleurs, Gillery évacue d’une phrase
les nombreuses enquêtes journalistiques
qui depuis quinze ans évoquent plutôt
d’importants détournements de biens
publics sur la base militaire française de
Djibouti et même d’un trafic d’uranium.
De la même façon, il écarte tout lien avec
les politiques djiboutiens et les présente à
leur avantage tels le procureur général de
Djibouti ou le président Guelleh serrant
la main de Jacques Chirac.
Curieusement alors que le film a été diffusé
sur Arte le 17 octobre, il l’a été, traduit
en langues locales, sur la chaîne nationale
djiboutienne, dès le 21 octobre !
Le procureur général en a même profité
pour faire une allocution reprenant la
thèse du film renvoyant l’affaire Borrel au
cercle franco-français.
Une intervention cousue de fil blanc alors
que le président Guelleh vient de faire
modifier la constitution de son pays afin
de pouvoir briguer un troisième mandat,
malgré l’opposition dont témoignent les
manifestations populaires. Le film tombe
étonnamment à point dans sa campagne.
C’est à se demander pour qui ce film a été
fait.