Chercher à traduire
Hissène Habré et ses
complices devant les
juridictions tchadiennes
et internationales est
la concrétisation de la
lutte contre l’impunité,
préoccupation majeure de
l’Association tchadienne
pour la promotion et la
défense des Droits de
l’homme (ATPDH).
Depuis 2000, l’ATPDH s’obstine
à faire juger Hissène Habré et ses
complices. Ces complices qui
occupent pour la plupart des hauts postes
de responsabilité au Tchad, sont nombreux
dans l’appareil sécuritaire de l’Etat. Ils sont
très présents au ministère de l’Intérieur et
de la Sécurité publique, à la police et à la
gendarmerie.
Des plaintes contre eux ont été déposées
le 17 octobre 2000 au cabinet du premier
juge d’instruction par plusieurs victimes
en les citant nommément. Le magistrat
instructeur a adressé un cahier de
doléances au gouvernement tchadien pour
lui permettre de prendre en charge les
plaintes en toute quiétude. Sa demande
concerne le renforcement de sa sécurité,
la dotation de son cabinet de matériel
supplémentaire de travail et d’un moyen
de déplacement.
A ce jour, aucune
réponse n’a été donnée au juge et c’est ce
qui, officiellement, bloque le dossier.
Quand nous jetons un regard en arrière
pour apprécier les obstacles auxquels nous
sommes confrontés, le régime actuel issu
du système habréiste n’a aucun intérêt
à encourager la fin de l’impunité des
auteurs de violations massives des Droits
de l’homme perpétrées pendant huit ans
de règne de Hissène Habré.
Quant au jugement de Habré lui-même, le
chemin demeure très long.
De 1982 à 1990, le Tchad a enregistré
40 000 morts et des milliers de disparus,
de veuves et d’orphelins du fait de la
cruauté humaine démontrée dans les
geôles de la Direction de la documentation
et de la sécurité (DDS), la célèbre machine
répressive du dictateur Hissène Habré.
Il est impensable pour les défenseurs des
Droits de l’homme de se croiser les bras ou
se taire devant une telle situation qui offre
aux auteurs une parfaite impunité.
Depuis douze ans, les organisations des
Droits de l’homme, aussi bien nationales
qu’internationales, se déploient et s’engagent
à faire juger Habré et ses sbires. Qui doivent
répondre de leurs actes. Malheureusement
cette prise de position n’est nullement
partagée par les opposants au respect des
droits de l’homme. Le Sénégal se vautre
dans sa logique empreinte de ruse et le
Tchad, se complait à l’accompagner dans
l’exercice de manoeuvres dilatoires en
refusant de soutenir les victimes dès les
premières heures de leur quête de justice.
Les victimes ont déposé plainte devant les
juridictions sénégalaises en 2000 et Hissène
Habré a été inculpé d’actes de barbaries,
de torture, par le magistrat instructeur
sénégalais. Après moult tergiversations,
la Haute Cour sénégalaise a déclaré les
juridictions sénégalaises incompétentes
pour connaitre de ce dossier.
Les victimes se sont donc tournées vers
la Belgique en vertu de sa loi sur la
compétence universelle. Les plaintes furent
instruites par le magistrat instructeur belge
pendant quatre ans après lesquels le juge
inculpa Habré de crimes contre l’humanité,
crime de guerre, crime de génocide.
Il décerna un mandat d’arrêt international
contre lui et la Belgique demanda son
extradition, que refuse le Sénégal. Le
président sénégalais Wade sort le dossier de
son cadre légal, en fait une affaire africaine
et l’envoie donc devant l’Union africaine
qui, après avoir fait étudier les options
possibles de juger Habré en Afrique, confie
le dossier au Sénégal en le mandatant de
juger Habré au nom de l’Afrique.
Le président sénégalais qui a évoqué des
raisons financières pour retarder l’ouverture
par la justice sénégalaise d’une
instruction, n’arrête pas de plonger les
victimes dans le désarroi.
Les difficultés financières ne sont qu’un
souvenir car le 24 novembre 2000, au
cours d’une réunion de bailleurs de fonds,
les pays participants ont notifié leur
contribution au titre de la communauté
internationale couvrant aisément le
budget de 8,5 millions d’euros élaboré par
l’Union africaine et l’Union européenne
pour le jugement de Habré au Sénégal.
Spécialiste de sorties incendiaires, le
président Wade, dans sa déclaration
du 10 décembre 2000, regrette d’avoir
accepté le mandat de l’Union africaine,
exprime son refus de faire juger Habré
et son intention de s’en débarrasser en
envisageant une éventuelle extradition
au Tchad, arguant qu’il ne bénéficie pas
de soutiens suffisants auprès de ses amis.
Lesquels ? Nous ne saurions répondre à
cette question. Nous pouvons simplement
relever que le dossier Habré n’a pas du tout
été imposé à Wade Il reste et demeure le
seul responsable de sa déception ou regret.
C’est lui qui a refusé en 2005 de faire droit
à la demande d’extradition de la Belgique
pour brandir l’idée de la dignité africaine
qui requiert le jugement des chefs d’Etat
en Afrique et par l’Afrique.
Nous craignons d’arriver un jour devant
une juridiction avec Habré sans victimes
ni témoins. Mais en dépit de toutes ces
difficultés nous croyons fermement que
Habré sera jugé un jour.