Survie

Côte d’Ivoire : 
une certaine idée de l’élection

rédigé le 4 septembre 2020 (mis en ligne le 2 décembre 2020) - Billets d’Afrique et d’ailleurs...

Début mars, Alassane Ouattara, président de Côte d’Ivoire depuis son installation à la tête du pays par l’armée française et l’ONU, début 2011, annonçait qu’il n’allait pas briguer un troisième mandat. Emmanuel Macron dégainait aussitôt sur Twitter : « Je salue la décision historique du Président [Alassane Ouattara], homme de parole et homme d’État, de ne pas se présenter à la prochaine élection présidentielle. Ce soir, la Côte d’Ivoire donne l’exemple.  » Ouattara avait certes décidé de prendre sa retraite politique, mais pas sans conditions : il pavait la voie à son Premier ministre Amadou Gon Coulibaly. Bien que de quinze ans son cadet, son dauphin, qui avait subi une transplantation du coeur en 2012, est décédé le 8 juillet d’une crise cardiaque. Panique dans les coulisses du pouvoir : il y a bien des personnalités politiques qui seraient prêtes à endosser les couleurs du parti présidentiel pour le scrutin, mais Ouattara n’en veut pas – peut-être par crainte de voir émerger plusieurs candidatures rivales et que son camp parte ainsi divisé aux élections. Jean-Yves Le Drian se rend le 13 juillet à Abidjan, pour s’entretenir avec le vieux président. Devant ses militants, ce dernier explique qu’« il faut des mois pour préparer un successeur » : le relais qu’il entendait passer, ce n’était pas celui de candidat, mais bien de président – l’élection n’est qu’une formalité. A moins qu’il ne compte « former » les candidats des autres partis ?
Ayant modifié en 2016 la Constitution, qui interdit de faire plus de deux mandats, le vieil allié de la France sort donc la carte habituelle en Françafrique, la remise des compteurs à zéro : deux mandats avec la constitution précédente n’empêcheraient pas de recommencer avec celle-ci. C’est ce qu’avait tenté de faire une nouvelle fois le dictateur burkinabè Blaise Compaoré en 2014, avant que la rue ne le renverse.
Pas de quoi faire reculer Ouattara, qui a annoncé officiellement sa candidature en août. La réaction de la rue a été immédiate, avec des manifestations rapidement interdites par le pouvoir, et une violente répression : au moins une dizaine de morts, des centaines de blessés, du fait des forces de l’ordre mais aussi de milices de jeunes armés de pierres et de machettes. Macron se tait, comme le Quai d’Orsay, qui maintient néanmoins sa coopération militaire et policière avec le régime.
Reçu à l’Elysée le 4 septembre, le président-candidat se serait vu proposer, selon Jeune Afrique, un scénario sur mesure : reporter le scrutin, le temps de convaincre – sans qu’on sache comment – ses vieux rivaux Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié de se retirer de la course, et de former un autre successeur sur mesure. Bref, de trouver un autre moyen de faire de cette élection une simple formalité, mais en sauvant un peu mieux les apparences. Mais promis, Emmanuel Macron ne donne pas de leçons et la France ne fait pas d’ingérence.

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 300 - septembre 2020
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