Survie

Violence légitime

(mis en ligne le 26 avril 2011) - Odile Tobner

On a du mal à sortir du silence dans la cacophonie ambiante
touchant les crises africaines en Côte d’Ivoire et en Libye. Que
peut-on articuler d’audible sous le pilonnage médiatique de la
bonne parole au service de la bonne violence ?

Quand le réveil des peuples fait tomber, tel un château de cartes, un
régime dictatorial, comme en Tunisie et en Égypte, même si c’est au prix
de victimes toujours trop nombreuses, on ne peut qu’approuver. Quand
c’est la « communauté internationale », alias les puissances occidentales,
qui se charge de libérer le peuple par l’intervention militaire contre ce qui
est présenté, à grand renfort de propagande, comme les forces du mal, on
peut se demander si ce peuple n’échange pas simplement une domination
contre une autre pire.

Comment les puissances occidentales, et tout ce qu’elles servent
fanatiquement comme intérêts, qui ont opprimé et oppriment encore tant
de peuples, pourraient-elles en libérer un seul ?

On peut présenter les choses sous un autre angle. L’Égypte et la Tunisie
n’ont pas de ressources en matières premières. Elles n’ont qu’un intérêt
stratégique relatif. On peut laisser faire les événements.

La Libye et la Côte d’Ivoire recèlent d’immenses richesses, il faut conduire
et maîtriser les événements, au besoin par une violence dite légitime
parce que les choses ne se passent pas spontanément comme on veut.
La conséquence est l’instauration d’une guerre civile là où des autorités
internationales responsables auraient dû d’abord user de tous les moyens
de la négociation avec un arsenal de pressions non négligeables. Bien au
contraire, il semble qu’on se soit rué avec délectation dans le conflit en
l’exacerbant par tous les moyens, comme s’il était attendu, souhaité....
préparé ?

La justification avance toujours avec l’habit humanitaire destiné à
provoquer l’adhésion à la guerre de la part de la masse occidentale,
peu instruite de tous les désastres humanitaires qu’on lui cache parce
que ceux-ci risqueraient de remettre en cause les politiques menées en
son nom. Le comble du cynisme a été atteint d’emblée avec la guerre
civile du Biafra à la fin des années soixante, où, au nom du secours à
porter à une population en péril, La France a prolongé de plusieurs mois
une guerre et un blocus meurtriers, décuplant le nombre des victimes.
Significativement cet humanitaire à l’envers est considéré comme le
modèle fondateur de l’interventionnisme humanitaire, sous la houlette du
très contestable Bernard Kouchner. L’enjeu en était déjà le contrôle d’une
zone pétrolifère.

Au nom du secours à apporter aux victimes du génocide des Tutsi au
Rwanda, en juillet 1994, la France a couvert militairement le repli au Zaïre
des forces armées rwandaises génocidaires, ouvrant la porte à des guerres
civiles sans fin. Que dire des guerres « libératrices » menées en Irak et en
Afghanistan par des coalitions sous la houlette des États-Unis, qui ont
transformé ces pays en champ de ruines où règne la guerre civile.
Que dire de la destruction de la Somalie par une guerre civile attisée et
entretenue. On est loin de l’unanimité d’un peuple qui se révolte contre une
tyrannie, on est dans l’instrumentalisation d’une partie de la population
contre une autre. Toutes les guerres civiles dites « ethniques » qui ravagent
l’Afrique n’ont pas d’autre source que l’action de ces « protecteurs »
aux mains pleines d’armes, boutefeux hystériques, fanatiques des
bombardements préventifs et autres merveilles humanitaires.

L’art de fabriquer des situations sans issue autre qu’une extermination
réciproque des citoyens d’un même pays c’est à cela qu’on reconnaît
l’imposture de la « pacification », mot déshonoré pour avoir servi tant de
fois à établir la domination la plus implacable sur tant de peuples.

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 201 - Avril 2011
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