Les trois phases de l’intervention militaire française en Côte d’Ivoire.
Première phase, fin mars : « La France a appuyé la conquête du sud du pays par les forces de Ouattara » (Canard Enchaîné, 6 avril 2011). Un officier supérieur, « proche de l’Élysée », vante « notre efficacité dans l’organisation de la descente sur Abidjan ». Un autre, « membre des services de renseignement », confie : « On a fourni des conseils tactiques aux FRCI [Forces républicaines de Côte d’Ivoire] », mais aussi « des munitions et des Famas ». Cette confidence rappelle le témoignage – forcément sujet à caution – d’un ancien com’zone de la rébellion, Abdoulaye Traoré, sur l’aide apportée par des officiers français en 2003, qui « signalaient les dispositifs de l’adversaire et distribuaient les armes à des points précis » (www.lebanco.net, 13 août 2010). Notons, lors de cette première phase, le très faible écho dans nos médias de la mort de Philippe Rémond, seule victime française (La Croix, 04 avril). Cette victime d’un assassinat – vraisemblablement ciblé – au lendemain de l’entrée des forces pro-Ouattara dans la capitale politique, Yamoussoukro, présentait sans doute le défaut d’avoir dénoncé, depuis longtemps, l’ingérence française dans la crise ivoirienne.
Deuxième phase, les bombardements par les hélicoptères de Licorne et de l’ONUCI. Après que les rebelles se furent regroupés à la lisière d’Abidjan, Ouattara a demandé à Ban Ki-moon la destruction des armes lourdes des forces de Gbagbo. Demande répercutée à Sarkozy, qui donne le feu vert. Les premières frappes de l’ONU, le 4 avril, concernent des camps militaires. Mais selon le Canard Enchaîné, les hélicos frappent aussi « au passage des objectifs aussi stratégiques que le CHU et un supermarché du quartier de Cocody » ! Autres cibles, le bâtiment de la radiotélévision, les bâtiments présidentiels et une base de bateaux-bus qui servaient à transporter les jeunes patriotes.
Au bout d’une semaine de pilonnages répétés, et d’assauts, repoussés, des FRCI contre les forces de Gbagbo, l’assaut final a été donné. Les moyens utilisés selon l’amiral Guillaud, chef d’état-major des armées : quelques milliers d’obus de 20 mm, une dizaine de missiles HOT, une vingtaine de véhicules blindés et plus de 200 soldats français.
Depuis son lancement en 2002, l’opération Licorne a coûté entre un et deux milliards d’euros. Quel retour sur investissement peut en attendre l’Élysée ?
Christophe Barbier (LCI, 05 avril) donne des pistes. « Nous ferons payer la facture à ceux pour qui nous faisons ce travail difficile, douloureux, qu’est l’action militaire. D’abord nos alliés […] et puis les pays que nous libérons. La Libye, la Côte d’Ivoire, ce sont des pays qui ont des ressources. Ces pays nous rembourseront en avantages, notamment en matières premières, en énergie par exemple. Ils pourront aussi nous acheter des matériels militaires [...]. Licorne ou la loi du plus fort Nous allons, sans être cynique, améliorer nos matériels, améliorer nos méthodes. Avec l’expérience retirée de ces conflits, ça nous permettra d’être encore plus compétitif sur ce marché […] qu’est la vente des armes. »
Ajoutons que le Canard, notant les équipements tout neufs des FRCI, rapporte des témoignages et documents montrant que « des proches de Ouattara ont monnayé, en 2009 et en 2010, d’importantes quantités d’or extraites des mines du Nord. Plusieurs tonnes ont été acheminées au Ghana voisin sous couvert de véhicules de... l’ONU. »