Survie

Licorne ou la loi du plus fort

(mis en ligne le 8 mai 2011) - Rafik Houra

Les trois phases de
l’intervention militaire
française en Côte d’Ivoire.

Première phase, fin mars : « La
France a appuyé la conquête
du sud du pays par les forces de
Ouattara
 » (Canard Enchaîné, 6 avril
2011). Un officier supérieur, « proche
de l’Élysée
 », vante « notre efficacité
dans l’organisation de la descente sur
Abidjan
 ». Un autre, « membre des
services de renseignement
 », confie :
« On a fourni des conseils tactiques aux
FRCI [Forces républicaines de Côte
d’Ivoire]
 », mais aussi « des munitions
et des Famas
 ». Cette confidence
rappelle le témoignage – forcément sujet
à caution – d’un ancien com’zone de la
rébellion, Abdoulaye Traoré, sur l’aide
apportée par des officiers français en
2003, qui « signalaient les dispositifs de
l’adversaire et distribuaient les armes à
des points précis
 » (www.lebanco.net, 13
août 2010). Notons, lors de cette première
phase, le très faible écho dans nos
médias de la mort de Philippe Rémond,
seule victime française (La Croix, 04
avril). Cette victime d’un assassinat –
vraisemblablement ciblé – au lendemain
de l’entrée des forces pro-Ouattara dans
la capitale politique, Yamoussoukro,
présentait sans doute le défaut d’avoir
dénoncé, depuis longtemps, l’ingérence
française dans la crise ivoirienne.

Deuxième phase, les bombardements par
les hélicoptères de Licorne et de l’ONUCI.
Après que les rebelles se furent regroupés
à la lisière d’Abidjan, Ouattara a demandé
à Ban Ki-moon la destruction des armes
lourdes des forces de Gbagbo. Demande
répercutée à Sarkozy, qui donne le feu
vert. Les premières frappes de l’ONU, le
4 avril, concernent des camps militaires.
Mais selon le Canard Enchaîné, les
hélicos frappent aussi « au passage des
objectifs aussi stratégiques que le CHU et
un supermarché du quartier de Cocody
 » !
Autres cibles, le bâtiment de la radiotélévision,
les bâtiments présidentiels et
une base de bateaux-bus qui servaient à
transporter les jeunes patriotes.

Au bout d’une semaine de pilonnages
répétés, et d’assauts, repoussés, des FRCI
contre les forces de Gbagbo, l’assaut final
a été donné. Les moyens utilisés selon
l’amiral Guillaud, chef d’état-major des
armées : quelques milliers d’obus de
20 mm, une dizaine de missiles HOT, une
vingtaine de véhicules blindés et plus de
200 soldats français.

Depuis son lancement en 2002, l’opération
Licorne a coûté entre un et deux milliards
d’euros. Quel retour sur investissement
peut en attendre l’Élysée ?

Christophe Barbier (LCI, 05 avril)
donne des pistes. « Nous ferons payer
la facture à ceux pour qui nous faisons
ce travail difficile, douloureux, qu’est
l’action militaire. D’abord nos alliés
[…] et puis les pays que nous libérons.
La Libye, la Côte d’Ivoire, ce sont des
pays qui ont des ressources. Ces pays
nous rembourseront en avantages,
notamment en matières premières, en
énergie par exemple. Ils pourront aussi
nous acheter des matériels militaires [...].
Licorne ou la loi du plus fort
Nous allons, sans être cynique, améliorer
nos matériels, améliorer nos méthodes.
Avec l’expérience retirée de ces conflits,
ça nous permettra d’être encore plus
compétitif sur ce marché […] qu’est la
vente des armes.
 »

Ajoutons que le Canard, notant les
équipements tout neufs des FRCI,
rapporte des témoignages et documents
montrant que « des proches de Ouattara
ont monnayé, en 2009 et en 2010,
d’importantes quantités d’or extraites des
mines du Nord. Plusieurs tonnes ont été
acheminées au Ghana voisin sous couvert
de véhicules de... l’ONU.
 »

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 202 - Mai 2011
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