Groggy par le déroulé des récentes élections
présidentielles au Tchad, les observateurs
de l’Union africaine ont seulement pu
déclarer timidement, quelques jours après
le scrutin du 25 avril, que « le taux de
participation a[vait] été plus faible que
lors des élections législatives le 13 février,
alors que 51% des électeurs inscrits
avaient voté ».
Il semble en effet, même si les chiffres
exacts n’existent pas dans une dictature,
que le boycott de cette élection, auquel
appelaient les principaux candidats de
l’opposition, ait été suivi dans des proportions
considérables, certain avançant
une moyenne de 75% et atteignant jusqu’à
85% dans certaines circonscriptions du sud
traditionnellement opposées au pouvoir
d’Idriss Deby.
Comme lors des récentes législatives, la
manipulation des chiffres se met en place.
L’ensemble des fraudes constatées lors du
scrutin de février, dont la manipulation
de la carte électorale avait été l’un des
principaux outils, avait amené à des
résultats avalisant les candidats du
pouvoir par des résultats de plus de 100%
dans certaines circonscriptions.
Par ailleurs, des cartes d’électeur pouvaient
encore être achetées par dizaines de
milliers sur les marchés parallèles quelques
jours avant le scrutin présidentiel. Les
requêtes des candidats de l’opposition sur
les fraudes constatées et sur la réédition
de la carte d’électeur dans une autre
couleur, ayant été rejetées par la Cour
constitutionnelle et la CENI partisanes,
Ngarlejy Yorongar, Saleh Kebzabo et
Wadel Abdelkader Kamougué avaient
alors retiré leur candidature et appelé au
boycott de l’élection présidentielle.
Malgré la partialité du traitement de l’information,
l’État policier et la corruption,
les Tchadiens viennent d’exprimer leur
refus à Idriss Deby au pouvoir depuis
vingt et un ans déjà.
Après avoir avalisé le scrutin de février en
parlant de son « bon déroulement », les
« partenaires » du Tchad que sont la France
et l’Union européenne vont certainement
valider celui d’avril en lui accordant pour
la forme quelques irrégularités mineures.
La responsable de la diplomatie européenne,
Catherine Ashton, avait d’ailleurs
affirmé publiquement « regretter » le
boycott des principaux opposants (La
Lettre du Continent, 7 avril).
Les résultats provisoires de la Commission
électorale nationale (dite) indépendante
doivent être proclamés le 9 mai, pour
être ensuite validés par le Conseil
constitutionnel. Si le résultat du scrutin en
lui-même est assuré dans cette rencontre
Deby contre Deby, le taux de participation
est tout l’enjeu de cette présidentielle
et de la stabilité du régime. La bataille
de chiffres commence, mais, grâce à ce
scrutin, Deby n’est plus dupe et le peuple
tchadien non plus.