Survie

Transparence financière, la bataille des lobbies

(mis en ligne le 6 juin 2011) - Alice Primo

Lendemain de fête et
gueule de bois aux Etats-
Unis après l’adoption de la
loi Dodd-Franck.

En juillet 2010, la réforme de Wall-
Street, dite loi Dodd-Frank, imposait
entre autres une mesure défendue de
longue date par des centaines d’organisations
de sociétés civiles, notamment celles rassemblées
au sein de la coalition Publiez ce
que vous payez
.

Il s’agit d’exiger de toutes les sociétés
du secteur extractif (mines, hydrocarbures)
cotées à la Bourse new-yorkaise de rendre
publics les impôts et taxes versés aux
gouvernements des différents pays hôtes : si
cela ne permettrait pas de pister les fraudes
fiscales en détectant où sont enregistrés
les bénéfices de ces multinationales
(contrairement au « reporting pays »), cela
peut considérablement aider les sociétés
civiles à lutter contre la corruption et le
détournement d’argent public en demandant
des comptes sur les sommes perçues.

Saluée
comme une bonne nouvelle, qui a surpris tout
le monde dont les lobbies pétroliers, cette
mesure ne doit pas faire oublier la puissance
politique des multinationales outre-atlantique
 :
la loi devait être suivie dans les neuf mois de
décrets précisant ses modalités d’application,
mais la Securities and Exchange Commission
(SEC), gendarme de la Bourse de Wall Street
chargé de les préparer, a finalement annoncé
un premier report jusqu’en juin, et des
ONG états-uniennes évoquent maintenant
l’automne. Si les raisons avancées sont
techniques, nul n’ignore la puissance des
lobbies pétrolier et minier, et il est de plus
en plus à craindre que l’éléphant n’accouche
d’une souris.

Union européenne : veillée d’armes

La Commission européenne réfléchit
actuellement
à une réglementation sur la
transparence financière, sur laquelle elle
devrait rendre ses premières conclusions
entre juin et septembre.

Si la loi Dodd-
Frank, aux États-Unis, a pu être perçue
comme un encouragement, les ONG
européennes ont l’espoir d’aller au-delà
d’une « simple » mesure anti-corruption
en obtenant la mise en place d’une
obligation de « reporting pays », pour
imposer aux multinationales de publier les
bénéfices réalisés territoire par territoire,
et donc ceux relevant des paradis fiscaux
et judiciaires.

Les atermoiements actuels
autour des décrets d’application de la
loi Dodd-Frank outre-atlantique sont
un indice inquiétant quant à ce qu’il
est réaliste d’espérer : les lobbies des
multinationales, pétrolières et minières en
tête, ne se laisseront pas surprendre une
seconde fois.

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 202 - Mai 2011
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