Survie

Côte d’Ivoire - fragments d’un discours

(mis en ligne le 1er août 2011) - Odile Tobner

Le discours que Nicolas Sarkozy
a prononcé le 21 mai à Port
Bouët, base militaire française
d’Abidjan, devant la communauté
française en Côte d’Ivoire, est une
mine de déclarations plus énormes les
unes que les autres, qu’une opinion
publique tant soit peu avertie aurait dû
relever par l’intermédiaire de députés
ou de journalistes. Mais apparemment,
l’absurdité en matière de politique
africaine ne choque personne chez la
grande majorité de la classe dirigeante
française et pas seulement dans l’actuel
gouvernement.

Ne prenons qu’un exemple avec cet
extrait : « Il ne viendrait à l’idée
de personne, en Europe ou partout
ailleurs en Occident, de transiger sur
la démocratie. Il était hors de question
de le faire, ici, en Côte d’Ivoire. J’ai
été stupéfait, je dois le dire, d’avoir
entendu des voix se lever, dans
mon propre pays, dans notre pays,
pour suggérer entre guillemets un
« arrangement » avec un pouvoir devenu
illégitime. En matière démocratique,
il n’y a pas d’arrangement. Il y a la
démocratie ou il y a la dictature. Il y
a le respect de l’Etat de droit ou il y a
la violence.
 »

En toute logique, Nicolas Sarkozy
aurait dû, dans la foulée, condamner énergiquement
les
accords
de
Marcoussis, pilotés par la France en
2003, pour contraindre le président
Laurent Gbagbo à négocier avec la
rébellion qui n’avait pas réussi son
coup d’État en 2002 mais contrôlait
la partie nord de la Côte d’Ivoire.

Ces
accords le dépouillaient de l’essentiel
du pouvoir, accordaient à la rébellion
les ministères de la Défense et de
l’Intérieur. Le FPI (Gbagbo) obtenait
dix ministères, le RDR (Ouattara) et le
PDCI (Bédié) sept chacun. L’ONUCI
fut créée pour l’application de ces
accords (voir l’intégralité de ces
accords sur le site du ministère des
Affaires étrangères).

Parmi les autres perles l’affirmation
que la France n’avait pas de candidat,
que les troupes françaises resteront
en Côte d’Ivoire pour protéger les
Français, le lamento sur les Français
disparus - « Je pense bien entendu à
nos compatriotes Stéphane Frantz di
Rippel et Yves Lambelin, ainsi qu’aux
collaborateurs béninois et malaisien
de ce dernier, enlevés le 4 avril et
dont nous sommes, toujours depuis
lors, absolument sans nouvelles. Que
leurs familles, que leurs proches
sachent que nous ne les oublions pas.
Nous ne ménagerons aucun effort pour
les retrouver, je l’espère, je veux y croire, sains et saufs. Nous mettrons
également tout en œuvre pour que
soient identifiés et punis sévèrement
les auteurs de cet enlèvement abject.
On ne peut pas toucher à des citoyens
français en toute impunité, ça ne serait
pas juste, ça ne serait pas conforme
à l’idée que je me fais de la morale
 » - en omettant de citer le professeur
Philippe Rémond assassiné, ce qui
signifie qu’il y aurait des Français
plus Français que d’autres.

Enfin l’assertion que : « Tout ce que
la France a fait, elle l’a accompli en
appui aux organisations africaines,
et dans le cadre strict de ses
engagements vis-à-vis des Nations
unies
 ». Rappelons que, faisant suite à
un projet de résolution déposé par la
France, la résolution 1975 de l’ONU,
fin mars 2011, dans son article 6,
autorisait l’ONUCI à utiliser tous les
moyens nécessaires pour empêcher
l’utilisation d’armes lourdes contre la
population civile.

En conséquence de
quoi, l’armée française a bombardé,
avec blindés et hélicoptères, la
résidence de Laurent Gbagbo.
Tout cela pour que Nicolas Sarkozy,
qui aime tant la Côte d’Ivoire, puisse
enfin y mettre les pieds.

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 203 - Juin 2011
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