Survie

Nord-Soudan : la France équivoque

(mis en ligne le 1er août 2011) - Lena Yello

Le 19 mai, un convoi de la Mission de l’ONU au Soudan (Unmis) a été attaqué par des troupes identifiées comme des troupes sud-soudanaises dans la région d’Abyei, un territoire disputé à la lisière entre le Nord et le Sud-Soudan.

L’attaque a eu lieu à Dokura (10 km au nord d’Abyei) alors que les casques bleus escortaient 200 soldats nordistes en dehors de cette région riche en pétrole. Le président soudanais El-Béchir (Nord- Soudan) a aussitôt ordonné à ses troupes la prise de contrôle militaire de la zone. Selon l’ONU, environ 60 000 personnes ont fui la région vers le Sud-Soudan à la suite de cette opération.

Alors que la future partition du Soudan, prévue le 9 juillet, a été entérinée par les résultats du référendum de janvier, le statut de la région pétrolifère d’Abyei n’a toujours pas été réglé et le scrutin qui devait s’y dérouler également en janvier a été reporté sine die.

De fait, le statut de cette zone est au cœur des enjeux depuis plusieurs années et a déjà été le théâtre de nombre d’affrontements meurtriers. L’opération militaire de Khartoum est surtout une façon d’instaurer un rapport de force avec le nouvel Etat sudiste. Par ailleurs, l’ancien général de l’armée sudiste devenu rebelle, Peter Gadet, a déclenché une rébellion en avril dernier dans l’Etat frontalier de l’Unité.

Les autorités sudistes ont accusé Khartoum de l’avoir encouragé à occuper les champs de pétrole, autre manière pour les Nord- Soudanais de réaffirmer qu’il contrôle la situation et de démontrer la vulnérabilité du Sud.

Dans ce dossier, la France n’a pas été très active et se démarque en cela des Etats-Unis, de l’ancienne puissance coloniale, la Grande-Bretagne, de l’Union européenne (UE) et nombre de pays européens pro-Sud-Soudan ou anti-Béchir, considéré comme trop proche de pays arabes.

L’UE allouait d’ailleurs, le 24 mai dernier, en pleine période de crise, 200 millions d’euros à la coopération au développement avec le Sud-Soudan.

A l’ONU, alors que la France exerce la présidence du Conseil de Sécurité, Paris a été étrangement silencieux sur les violences à Abyei (Inner City Press, 24 mai).

Si l’ancienne métropole coloniale an­glai­se trouve que, de son côté, son droit d’ingérence dans les affaires soudanaises n’est pas suffisant, les intérêts pétroliers français y sont, eux, depuis plusieurs années, plutôt bien installés.

Fin juillet 2010, une filiale d’Areva annonçait des résultats de prospection « hautement prometteurs » dans les monts Nuba, région politiquement sensible située à la lisière du Nord et du Sud-Soudan...

D’un côté comme de l’autre, il s’agit de politiques qui prennent seulement en compte les intérêts économiques et diplomatiques de chacun et non celui des populations au nom desquelles ces politiques sont pratiquées.

Il s’agit davantage de contrer l’influence chinoise dans la région. Pékin détient près de 40% des concessions pétrolières dans le Darfour et contrôle des gisements pétroliers dans le Haut Nil occidental.

Ce pétrole étant actuellement évacué par pipe-line, depuis l’Etat de l’Unité jusqu’au port de Port Soudan, sur la mer Rouge.

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 203 - Juin 2011
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