Survie

Areva vierge de tout soupçon ?

(mis en ligne le 5 septembre 2011) - Raphaël de Benito

Plusieurs députés français réclament une enquête sur l’affaire Areva après les révélations sur l’immatriculation d’une de ses filiales minières dans un paradis fiscal notoire, les îles Vierges britanniques.

En juin 2007, Areva, rachetait à prix d’or (2,5 milliards de dollars, 1,8 milliards d’euros), la petite société canadienne d’exploration minière, UraMin, lor­ gnant sur ses gisements en Afrique du Sud, Centrafrique et Namibie. Quatre ans plus tard, aucun des gisements n’est encore en exploitation. Areva affirmait pourtant pouvoir les exploiter rapidement avec les premières pro­ ductions attendues pour 2009 et 2010 en Namibie et Centrafrique. Le 14 juin, rétropédalage de l’encore présidente du directoire, Anne Lauvergeon : « Quand on fait une mine, entre le moment où on repère qu’il y a de l’uranium et celui où on démarre la mine, il y a en moyenne quinze ans » (Paris Match, 19 juin).

Curieusement, le titre d’UraMin avait flambé en bourse et « sa valeur multipliée par quatre durant les six mois ayant précédé l’offre d’Areva » (ibidem). Une valeur boursière qui a fondu comme un glaçon sous le soleil des Caraïbes puisque UraMin, rebaptisée Areva Resources Southern Africa, est immatriculée à l’ombre d’un paradis fiscal et judiciaire, les îles Vierges britanniques classées au 16 e rang des paradis fiscaux les plus opaques et les plus nocifs par le Tax Justice Network, une coalition d’ONG (L’Humanité, 15 juin). L’entreprise publique a, en effet, dû inscrire, au titre de sa filiale, pour 426 millions d’euros de dépréciations d’actifs dans ses comptes 2010 soit près d’un quart de sa valeur initiale.

Bureaux d’Areva à Bangui, la capitale centrafricaine. http://www.journaldebangui.com

De l’uranium à tout prix

Des trois principaux gisements afri­cains d’Areva Resources Southern Africa, seul le gisement de Bakouma, en Centrafrique, est prometteur avec des réserves revues à la hausse. Tout dépend en fait du cours de l’uranium et de la demande. Quand elle récupère les permis, Areva fait toujours des promesses d’exploitation rapide, faisant miroiter des retombées financières immédiates. Mais en fait, elle ne les exploite que quand elle le juge rentable. En Namibie, les réserves sont importantes, mais la concentration d’uranium par tonne est très faible comme à Imouraren au Niger.

On se souvient toutefois que les pourparlers avaient été laborieux entre Areva et la présidence centrafricaine qui n’a obtenu au final qu’un ridicule 12% des bénéfices de l’exploitation de Bakouma, à 800 km de Bangui.

Une « rallonge » financière avait été obtenue par le lieutenant-colonel Sylvain Ndoutingaï, ministre d’Etat chargé des Mines et de l’Énergie, numéro deux du régime et neveu du président François Bozizé. D’autres conseillers et intermédiaires avaient veillé sur cette convention à commencer par le négociant belge Georges Forrest, consul honoraire de France au Katanga (RDC) qui avait par ailleurs obtenu, pour lui-même, sept permis de recherche d’uranium, en bordure de la concession du groupe français (Lettre du Continent). N’oublions pas de citer également l’ex-barbouze rwandaise du sinistre gouvernement Habyarimana, Fabien Singaye, conseiller spécial à la sécurité de Bozizé et surtout le sulfureux député-maire de Levallois, Patrick Balkany, émissaire officieux dans la plus pure tradition françafricaine, qui a épinglé, en 2010, à son veston-safari, la médaille de commandeur remise par le président centrafricain François Bozizé.

De quoi encourager l’initiative de certains députés français dont Jérôme Cahuzac, le président socialiste de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, d’ouvrir une enquête sur Areva au moment crucial où l’entreprise publique filialise ses activités minières qui doivent servir de prélude à l’ouverture du capital. Il y aurait matière à répondre à des questions qui pourraient être embarrassantes : pourquoi Areva Resources Southern Africa est-elle toujours immatriculée dans un paradis fiscal ? Qui sont les bénéficiaires de la vertigineuse hausse du titre d’UraMin avant son rachat par Areva ?

Il serait également intéressant de connaî­ tre les détails du commissionnement dans le contrat de Bakouma.

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 204 - Juillet Août 2011
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