Survie

Côte d’Ivoire : Bouygues & Bouygues

(mis en ligne le 12 juillet 2011) - David Mauger

À la suite de l’article « Côte d’Ivoire :
un gâteau à 2 milliards d’euros
 »

du mois dernier, le service de
presse du groupe Bouygues précise
« que Bouygues ne détient plus qu’une
participation financière de 21,5% dans
Finagestion, société holding qui coiffe
les activités de gestion de l’eau et de
l’électricité en Côte d’Ivoire, à travers
ses filiales CIE et Sodeci. Bouygues n’est
donc plus opérateur de l’électricité et
de l’eau en Côte d’Ivoire.
 » L’évocation
dans notre article du « règlement d’une
grosse facture d’eau et d’électricité à
Bouygues
 » est donc erroné. Quoique...

Si cette participation désormais minoritaire fait que Bouygues n’est en effet
plus directement l’opérateur, le groupe
n’est pas pour autant désintéressé dans
le règlement d’une facture à une holding
dont il détient des parts.

Mais il faut surtout préciser que cette
facture est notamment destinée aux
fournisseurs de gaz qui alimentent les
centrales thermiques et que l’État ivoirien
ne payait plus pendant la crise post-électorale. Les fournisseurs sont Afren CI
(ce producteur coté à Londres était présent
au Nigeria, mais maintenant sur toute la
côte ouest-africaine), CNR International
(producteur canadien, présent aussi au
Gabon) et surtout Foxtrot International
(présent seulement en Côte d’Ivoire),
qui, en 2010 a produit 65% du gaz
ivoirien. Et Foxtrot est contrôlée
par SCDM, la société privée des
frères Olivier et Martin Bouygues.

Notons que c’est aussi via SCDM
que les frères Bouygues contrôlent
18,1% des parts (et 27,3% des
votes) du groupe Bouygues.

Répartition du capital du groupe Bouygues au 31 décembre 2010

Enfin, ce que le service de presse
du groupe Bouygues omet de
préciser, c’est que, depuis 2009,
l’investisseur majoritaire de la
parisienne Finagestion est Emerging Capital Partners (ECP). Il
s’agit d’un groupe de capital-investissement américain qui
gère d’importants fonds visant
le secteur privé africain. Le co-président exécutif d’ECP, Vincent
Le Guennou est aussi vice-président de
Finagestion. C’est un ancien de Bouygues
en Côte d’Ivoire (qui détenait jusqu’en
2005 le groupe Saur, et donc sa filiale
CIE).

Les secteurs de prédilection d’ECP
sont les secteurs bancaire, des télécoms et
des ressources naturelles. Totalisant plus
de 1,8 milliards de dollars, ses fonds sont
alimentés par des institutions financières
de développement (OPIC américaine,
CDC britannique, Proparco française,
BEI européenne, BAD africaine...)
pas toujours très regardantes sur les
investissements réalisés.

Un rapport du
parlement britannique
s’inquiète des
investissements d’ECP dans des banques
nigérianes qui seraient impliquées dans
du blanchiment d’argent sale. Le même
rapport relève l’entrée en 2006 d’ECP
dans le capital d’Anvil Mining, une
société accusée de complicité dans le
massacre de Kilwa (Katanga) en RDC en
2004. Fin 2010, la justice québécoise a été
saisie d’une plainte contre Anvil Mining
par un collectif de victimes de Kilwa .

Bref, un bien beau partenaire financier
pour le groupe Bouygues.

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 204 - Juillet Août 2011
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