Inventions statistiques, raccourcis nauséabonds, Claude Guéant ne recule devant rien pour stigmatiser les Français issus de l’immigration : celle à peau noire ou de religion musulmane.
Le dimanche 22 mai Claude Guéant déclare, lors de l’émission Le grand rendez-vous sur Europe 1 : « Contrairement à ce qu’on dit, l’intégration ne va pas si bien que ça [...] Les deux tiers des échecs scolaires, c’est l’échec d’enfants d’immigrés. »
Le ministre affirme s’appuyer sur un rapport du Haut Conseil à l’intégration (HCI). Mais ce chiffre ne figure pas dans le document (voir le site de la Documentation française, rubrique rapports) qui rappelle notamment le fait que la réussite scolaire est corrélée surtout au niveau socio-professionnel des parents. Ceux qui ont, de tout temps, eu du mal à s’intégrer à la société ce sont les pauvres. Quelle découverte !
Le 25 mai, Libération rapporte l’affaire dans sa rubrique Désintox sous le titre : Immigrés : Guéant en échec scolaire. « Deux tiers des échecs scolaires en France sont le fait des enfants d’immigrés, assurait le ministre de l’Intérieur dimanche. Impossible de trouver la trace de cette statistique. »
Interrogé à ce sujet lors de questions- réponses à l’Assemblée nationale le même jour, le discours de Guéant s’est infléchi sensiblement. Il affirme alors que « 2/3 des enfants d’émigrés sortent de l’appareil scolaire sans diplôme ».
Il prétend cette fois s’appuyer sur les « chiffres de l’Insee ». Là encore on ne trouve pas trace de ces chiffres dans l’étude concernée. La direction de l’INSEE consultée refuse de commenter, ce qui provoque des remous à l’intérieur de l’Institut. Le 27 mai, selon Libération : « Un conseiller explique que l’expression du ministre a été « un peu rapide », mais persiste sur le fond : « En fait, Claude Guéant voulait dire que sur 150 000 élèves qui quittent chaque année le système scolaire sans aucune qualification, deux tiers sont des enfants d’immigrés. »
Une statistique, affirme le conseiller, qui trouve sa source « dans une étude de l’Insee »... ou plutôt, finit-il par concéder, dans des « déclarations de Malika Sorel [essayiste et membre du HCI, ndlr] citant une étude de l’Insee ».
En avril, Malika Sorel déclarait effectivement : « Les chiffres de l’Insee de 2005 sont accablants ; sur les 150 000 élèves qui sortent du système scolaire chaque année sans diplôme, les deux tiers sont issus de l’immigration ». Jointe par Libération, Malika Sorel renvoie à une étude de l’INSEE de 2005 (voir insee.fr) qui ne confirme pourtant pas du tout ses propos.
La direction de l’INSEE publie enfin le 27 juin un communiqué. La mise au point est cruelle pour le ministre dans la sécheresse de l’exposé des données. Selon l’étude de 2005 : « Les proportions d’élèves sortis sans qualification de l’enseignement secondaire sont ainsi de 10,7% parmi les enfants de familles immigrées ; de 6,6% parmi les enfants de familles « mixtes » ; et de 6,1% parmi les enfants de familles non immigrées. » On est loin des 66 % proclamés par Guéant.
Cette affaire n’aura révélé finalement que le lien étroit entre Guéant et son inspiratrice Malika Sorel, membre du Haut Conseil à l’Intégration, que préside Patrick Gaubert et dont est membre également Jacques Toubon. Coucou revoilà ces deux garants de la démocratie chez Sassou Nguesso (Billets d’Afrique n°182, juillet 2009), cette fois dans l’exercice de la diabolisation des banlieues.
Malika Sorel quant à elle, dans ses ouvrages le Puzzle de l’intégration, 2007, Immigration-Intégration, le Langage de vérité, 2011 (Mille et Une Nuits), comme dans ses interviews, à Valeurs actuelles, au Nouvel Économiste, dans ses participations à des débats télévisés tous azimut, et sur son blog, ne cesse de répéter qu’on a été trop gentil avec les immigrés du Sud depuis la décolonisation. S’ils ne sont pas recrutés c’est qu’ils se comportent mal pendant les entretiens d’embauche. On attribue tout au racisme alors que le seul racisme sérieux c’est le racisme anti-blanc, on donne la nationalité française à tour de bras etc.
Ce Zemmour en jupon se bat contre la bien pensance (Le Nouvel Économiste). C’est insupportable en effet de voir qu’en France, au lieu de croire sur parole notre ministre de l’Intérieur il y a des gens qui vont couper les cheveux en quatre pour critiquer ce qu’il dit, qui est la vraie vérité, celle de l’expertise de Malika.